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« L’ambition était de faire un projet avec de l’âme »
Plus d’un an après nous avoir dévoilé son premier EP, PAPI TeddyBear signe son retour cette année avec LA CHAUFFE et LA TREMPE, réalisés en collaboration avec le peintre musical Pense. Forts de sens, ces deux projets indissociables utilisent la métaphore métallurgique pour symboliser l’endurcissement artistique et personnel du rappeur originaire de Massy.
À l’occasion de la récente sortie de LA TREMPE, nous avons rencontré PAPI TeddyBear. Ses lyrics ont porté notre échange, nous menant à discuter de son évolution, depuis l’EGO initial jusqu’à la version 22.0 de lui-même, de sa vision authentique et sans compromis du rap, ainsi que de son ambition de créer une musique avec de l’âme, qui lui ressemble.
Rédigée par Éline H. / Mise en page par David D.
DansLaCiudad : Dans l’introduction éponyme de LA CHAUFFE, tu termines par une phase qui résume bien ces 2 EP : “La chauffe puis la trempe, ça endurcit le platine”.
Pourquoi être parti dans ce concept métallurgique? Qu’est-ce que ça représente ?
PAPI TeddyBear : C’est un concept que j’avais avant même de rencontrer Pense. Je crois que j’ai le nom du projet depuis un an et demi. Et pourquoi ce titre ? Parce que la métallurgie, la chauffe, la trempe, ça symbolise l’endurcissement, tant sur la musique qu’en tant que personne. Quand j’ai pensé LA CHAUFFE et LA TREMPE, je passais de l’adolescence à “être un homme”, avec plein d’enjeux et plein de questions nouvelles, tout simplement se confronter aux réalités de la vie : les relations, les potes, les meufs… et ça représente vraiment cette ambition d’endurcissement, de renforcement. C’est un peu un baptême du feu.
Et cette punchline, “La chauffe puis la trempe, ça endurcit le platine”, a un double sens. La chauffe et la trempe ça endurcit un métal ; mais ça endurcit aussi le platine, dans le sens où ça va être dur d’avoir un disque de platine avec ce genre de sons.
Comment t’es venu ce concept ?
J’ai d’abord eu l’idée du renforcement. C’est après que j’ai eu le concept de la métallurgie. Mais l’objectif de ces deux projets c’est de ne faire qu’un. Parce qu’il y a un projet LA CHAUFFE avec une ambiance plutôt explosive, et un projet LA TREMPE avec une autre ambiance plus profonde, plus égocentrée ; mais lorsque tu trempes le métal chaud dans l’eau, il y a fusion et ça ne fait qu’un.
©kasaito
« Une version 22.0 d’EGO” c’est comme si j’avais pris 22 ans …»
Dans “Pleurs de Golem” tu donnes une définition de ce qu’est la chauffe et la trempe : “c’est le cœur goudronné, la fleur arrosée (…) une version 22.0 d’EGO”.
Lorsque j’ai réfléchi à LA CHAUFFE et LA TREMPE, ça partait de moi et Pense n’était pas encore inclus dedans. C’est cette idée de grandir, l’homme qui grandit et qui s’endurcit : le cœur goudronné et la fleur arrosée.
Quand je dis “Une version 22.0 d’EGO” c’est comme si j’avais pris 22 ans entre EGO et LA CHAUFFE, LA TREMPE. C’est comme si sur EGO je n’étais pas encore fini artistiquement.
Dans tes sons, tu évoques beaucoup ce premier projet EGO.
Notamment dans le morceau “La chauffe” : “Pas d’EGO 2, j’en ai marre d’imiter”, puis dans “Qishui” : “EGO, 3TROIS, c’est le train-train. Rien de plus qu’à l’entraînement.”
Tu estimes donc qu’EGO c’était l’entraînement, une sorte de “brouillon” ?
C’est exactement ça. Mais si je parle autant d’EGO c’est aussi pour faire la comparaison avant/après. C’est un projet que j’ai aimé faire et que j’aime encore écouter occasionnellement, mais ce n’est pas le projet qui me ressemble le plus, tant sur les sonorités que sur les paroles. Les prods d’EGO sont très inspirées de Dreamville, l’école Kendrick Lamar, J. Cole, c’est assez chill, c’est ce que j’écoutais à ce moment-là. Mais ça ne me représente pas sur l’ensemble de ma vie.
Avec LA CHAUFFE et LA TREMPE, on voulait faire un projet qui nous ressemble. On a pas mal cherché notre son avec Pense pour réussir à trouver l’entre-deux : à la fois un son très cinématographique et visuel, et à la fois très rap, très dur. On voulait aussi un côté sophistiqué qui nous représente. On est un peu des flexeurs, on aime les choses raffinées. Finalement, on a pris du temps à le trouver, on a tâtonné. L’ambition n’était pas de faire un projet parfait où toutes les voix posées sont parfaites, où toutes les prises sont parfaites et le mix aux petits oignons. L’ambition était de faire un projet où on ressent l’essence de Pense et moi, un projet avec de l’âme. Ce n’est pas parfait, mais c’est nous.
Et j’ai aussi cette ambition, malgré la musique un peu “spéciale” qu’on fait avec Pense, qu’elle puisse plaire au plus de monde possible. On travaille aussi pour ça.
Tu considères que ta musique est “spéciale” ?
Dans Leebón , tu parles d’ “art abstrait”.
C’est un peu ça. Je pense qu’elle est cryptique pour certaines personnes. Mais je n’ai pas envie d’ouvrir ma musique pour plaire.
Je veux continuer à faire la musique que j’aime en espérant que les gens comprennent.
C’est un peu le message que tu fais passer dans “La trempe” quand tu dis “Si je rappe c’est pour moi, je suis un gentil soliste”.
Je suis le décideur et il faut que ça me plaise avant tout, donc oui si je rappe c’est pour moi.
©Léa Fernandes
Quel est ton son préféré sur LA CHAUFFE et LA TREMPE ?
J’ai fait mon top 3 hier. Je dirais “Massypal” en premier, “La trempe” en deuxième, et en troisième “Qishui”.
L’Don (rappeur et ami de PAPI, qui l’a accompagné pour cette interview) : Personnellement j’aurais mis “Leebón” en troisième, la prod est trop mystique. Pour moi c’est son classique.
En parlant de “Leebón”, il y a une phase dans ce son que j’aimerais que tu m’expliques : “On atteint Caen avec une flèche, Londres avec une vision, vois plus loin que l’horizon”.
C’est une comparaison entre “la flèche”, qui représente la capacité technique, et la vision. En gros, on va plus loin dans une carrière avec une vision qu’avec des compétences techniques. Disons qu’une personne qui rappe bien avec une vision ira toujours plus loin, et durera sûrement plus dans le temps, qu’une personne qui rappe juste très bien. La vision est très importante. Mais cette phase fonctionne depuis Paris (rires).
©kasaito
« Pour moi ce que je fais c’est du rap et il n’y a pas d’autre mot pour le qualifier…. »
Comment est-ce que tu qualifierais ton rap ?
Je fais du rap, c’est tout. C’est comme ça que je conçois le rap. Pour moi ce que je fais c’est du rap et il n’y a pas d’autre mot pour le qualifier.
L’Don : Sans fioriture, tu ne triches pas.
Exactement ! D’ailleurs, si je peux le dire, LA CHAUFFE et LA TREMPE, tout part de L’Don.
Parce qu’un jour on a eu une discussion, j’avais l’impression d’un peu stagner en terme de rap, et il m’a dit “ il faut que tu travailles avec une nouvelle méthode”. D’où le son “Nouvelle méthodo”. Il m’a conseillé d’écrire tout le temps. Moi j’écrivais occasionnellement, mais lorsque j’écrivais c’était le texte entier, comme si j’écrivais une rédaction.
Alors que chaque situation de ta journée peut t’emmener à écrire.
Tu discutes avec quelqu’un et il y a une phrase marquante qui sort de cette discussion, tu l’écris dans tes notes parce qu’elle peut être ressortie avec la bonne formulation. Et très souvent, c’est des phrases qui n’ont l’air de rien dans les discussions qui sont très inspirantes. C’est important d’être tout le temps en position d’écriture.
Dans “Nouvelle méthodo” d’ailleurs, tu dis “Je suis sorti de tombe, je suis sorti de l’ombre mais toujours pas de l’auberge”. Pourquoi ?
C’est ce que le rap m’a apporté. Quand j’étais plus jeune, j’étais quelqu’un d’assez introverti, je faisais assez peu d’activités. Et le rap m’a vraiment apporté une ouverture. Aujourd’hui je lis des livres grâce au rap, je regarde des films grâce au rap, je rencontre des gens grâce au rap. Donc au final ça m’a permis de m’ouvrir, de sortir de l’ombre. “Mais toujours pas de l’auberge” parce que j’ai toujours ces petits travers où j’ai mes moments d’introversion, où je n’ai pas trop envie de parler.
Et il y a aussi ce truc de “on y va petit à petit”, aujourd’hui les gens parlent de ce qu’on fait, mais on n’est pas encore sortis de l’auberge. Il faudra encore travailler pour être bien, tant musicalement que économiquement.
Mais “La qualité justifie l’attente” ?
Exactement. La qualité justifie l’attente, pour les auditeurs comme pour les artistes.
Les auditeurs devraient être plus patients avec les artistes. Parfois je reçois des messages de personnes qui me disent “on attend la suite”, alors que je viens de sortir un projet. Je viens de me saigner pour sortir ce projet, attendez au moins quelques mois avant de me dire ça. Mais ça vaut aussi pour les artistes.
Il faut arrêter de sortir des longs EP chaque mois. Après ça devient dur de se renouveler, et tu ne prends même pas un moment pour regarder ce que tu as déjà fait. Ce n’est pas intéressant, ni pour les artistes, ni pour les auditeurs.
La qualité avant la quantité finalement ?
C’est ça !
J’ai une dernière question. Pourquoi PAPI TeddyBear ?
LA question (rires).
Papi c’est mon surnom dans ma famille. Mes parents m’appellent comme ça. L’ajout du “TeddyBear” est un peu un concours de circonstances.
Le jour où je me suis inscrit sur les plateformes, j’ai vu tous les artistes qui s’appelaient déjà Papi et je me suis dit que j’allais être perdu dans l’algorithme. Du coup “TeddyBear” parce que dans “Enquête impossible”, sur EGO, je disais “Brakfinger aka Papi Daddy père, pour les meufs c’est Teddy Bear”. Au final c’est un peu un hasard. Mais un heureux hasard parce que les gens se rappellent du nom, ça marque.
©Léa Fernandes
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