FIFOU : Retour sur 20 ans

par | Nov 16, 2022 | Chronique, Rap

FIFOU : retour sur 20 ans de travail dans le rap

Max

Rédigé par Maxence

C’est l’homme derrière vos covers préférés de vos artistes préférés dans le rap français. Fifou sortira son livre 20 ans de rap ce mois-ci.

Retour sur le parcours d’un génie de l’imagerie.

Photographe et directeur artistique, Fifou travaille les images, un rôle crucial tant la représentation visuelle des artistes compte aujourd’hui. Depuis le début des années 2000, il a l’habitude que son travail finisse dans les tops musicaux. Retour sur la carrière de l’homme de l’ombre le plus célèbre du rap français.

PARTIE 1 : STARTED FROM THE BOTTOM… 

À l’âge de 16 ans, alors qu’il était encore lycéen, Fifou tient la chronique sur le graffiti sur la petite radio associative Vallée FM, juste avant l’émission du label Time Bomb. Il a eu la chance d’admirer  Lunatic, Oxmo Puccino ou encore les X-Men se succéder au micro. 

C’est à cette époque qu’il rencontre Princess Anis, qui deviendra l’une de ses amies proches et sera la première à le faire entrer dans le monde du rap. 

La rappeuse du Val-d’Oise tient une émission sur Génération le samedi matin. Filou y passe ses week-ends et y rencontre les têtes d’affiches de la scène rap français de l’époque. Devenu étudiant en graphisme, il décroche un stage au magazine Radikal et commence à côtoyer timidement le rap français, jusque’au jour où une proposition change sa vie. 

C’est en 2005 que l’entourage de Kool Shen l’approche pour réaliser une photo de pochette. Tout le monde se dit « ça y est sa carrière est lancée », sauf qu’il y a un petit problème… En effet, à ce moment-là Fifou ne maîtrise pas vraiment la photographie. Sans expérience, il décide d’y aller au culot. 

Résultat : il passe une après-midi à shooter Kool Shen qui gardera une photo pour son single « L’avenir est à nous » en featuring avec Rohff et Dadoo. La machine est lancée. Il est de plus en plus sollicité et sait se faire apprécier par un travail de haute qualité. 

La même année, il va travaillé sur un projet qui va tout basculer : le compilation Illicite Projet. Ce projet, produit par deux producteurs appelés Medeline, avait pour ambition de réunir 90% des gros artistes du rap français de l’époque, de Booba à Diam’s, Ministère A.M.E.R, Nèg’ Marrons, 113, Stomy Bugsy, Disiz la Peste, Ärsenik,… 

Fifou a travaillé en duo avec un autre photographe, il s’occupait de la DA de cette compilation. À chaque fois que les artistes venaient en studio, il les rencontrait et les shootais. Cela lui a permis de rentrer en contact avec ces artistes et de travailler par la suite avec Nessbeal, le Secteur Ä,… Finalement, l’album Paradis Assassiné de Lino d’Ärsenik a été sa première vraie grosse commande de maison de disques en tant que directeur artistique. 

Kanye West, fou allié ou génie incompris ?
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PARTIE 2 : Le photographe préféré de tes rappeurs préférés 

Depuis, Fifou a produit énormément de covers pour des rappeurs français. Son objectif est simple : produire des images qui frappent l’imagination et s’impriment durablement dans la rétine. Il veut produire « des punchlines visuelles ». 

Dès 2012, il s’affranchit de la pochette de rap conventionnelle en montrant un jeune ange d’ébène aux ailles noires, détournant la représentation traditionnelle angélique (souvent blond aux yeux bleus) pour la cover de Noir Désir de Youssoupha. 

En 2015, pour l’album L’homme au Bob, il montre Gradur donnant le biberon à un bébé, mais un biberon rempli de balles, « métaphore de la violence à laquelle nous sommes biberonnés dès tout petits ». 

Son tableau de chasse est incroyable et compte plusieurs centaines de covers depuis ses débuts. On y retrouve notamment : Booba, Lacrim, Doc Gyneco, La Fouine, Rohff, Gradur, Fianso, Kaaris, Maître Gims, Soprano, Kekra, Rémy, Dinos, Sadek, S.pri Noir et PNL. 

Kanye West, fou allié ou génie incompris ?
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En 2017, Fifou a pu mettre en avant son talent pour l’art de la mise en scène. À cette époque, de nombreux artistes l’appelés pour la mise en scène. Grâce à ses références de films, d’affiches et de séquences qui l’ont marqué, il a pu s’en inspirer à retravailler ces références à sa sauce pour de nombreuses covers. 

Parmi elles, il y a forcément Force et Honneur de Lacrim. Sur cette cover, on est vraiment dans quelque chose de complément cinématographique. En effet, il a dû construire un déco, avec une lumière en douche et quelque chose de très pictural. C’est très Scorcesien et ce sont des films énormément iconiques pour le milieu du rap français. 

Ensuite, il a travaillé différents styles.

Il a également pu travailler davantage dans la symbolique et l’émotion. Il y a toujours un lien avec le côté cinématographique dans la lumière, mais c’est plus épuré. On peut notamment mettre en avant son travail sur l’album Stamina de Dinos. Fifou l’a shooté un peu comme un photographe de plateau, on est proche du documentaire mais aussi de Clint Eastwood et ce type de film très granuleux.

Il l’explique : « C’est une lumière beaucoup moins léchée mais qui rend la photo plus intemporelle. Ce sont des choses qui m’intéressent plus, de retravailler à l’argentique et réussir à faire quelque chose d’iconique et de très simple à la fois.« 

Plus récemment, il a travaillé sur des covers plus « punchlines« . Il recherche à faire ressortir quelque chose de très iconique, il réfléchit à quelque chose de très « punchline« . C’est l’idée d’avoir un symbole, un geste, un regard, un détail qui fait que ça sort du lot.

Par exemple pour la cover de l’album Dans les mains de ZKR, il l’a rapidement imaginé en train de faire un bras de fer avec un policier quand l’artiste lui a parlé du projet. C’est sorti à un moment où il y avait pas mal de problématiques autour de tout ce qui se passait dans les quartiers avec la police, et ce lien un peu difficile. Il raconte : « Pour moi c’est une pochette punchline dans le sens où, sans forcément mettre un truc politique derrière, je la voulais marquante, simple et efficace. On ne sait pas s’il fait la paix, s’il est en guerre. Je voulais mettre l’artiste et le flic au même niveau, on ne prend pas vraiment parti.« 

Il a également travaillé la cover de BLO de 13Block de la même manière. Le groupe parlait beaucoup de leur quartier de Sevran, Fifou voulait garder ce grain et cet univers un peu lugubre et ramener quelque chose qui brille. Il voulait les faire briller dans le ghetto avec ce lustre.

PARTIE 3 : Un amoureux du rap à l’appétit jamais rassasié

Artiste aux idées débordantes, Fifou sait vite si le cliché est réalisable dans le budget imparti. Toutefois, il nécessite pas à aller au bout de ses idées, quitte à ne pas se payer. Son succès réside également là-dedans, il sait se rendre disponible n’importe quand et improviser peu importe les moyens qui lui sont proposés. 

Il peut également compter sur son flair hors pair comme l’illustre sa relation avec Gazo. Il n’a pas hésiter à le contacter sur Instagram durant le confinement puis s’est rendu disponible pour un shooting bénévole dans une banlieue lointaine. Depuis, le rappeur et lui sont devenus amis, Gazo a percé et fait partie des artistes comme Dinos pour lesquels il commence à réfléchir sérieusement à l’imagerie. Il a signé la pochette de sa première mixtape Drill FR et de son premier album KMT. 

Kanye West, fou allié ou génie incompris ?
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C’est quoi la suite ? 

Fifou se dirige de plus en plus dans la réalisation. Il a déjà coréalisé pour SCH et Dinos notamment. « Je rêve de voir mes pochettes en série. Je me vois travailler avec un réalisateur et intervenir en tant que directeur de la photographie ou showrunner. Je voudrais surtout ramener quelque chose de très urbain dans le propos, à la Ozark, Atlanta ou même Gomorra. »

Fifou va également sortir un livre « 20 ans d’images de l’histoire du rap » chez Clique Éditions, disponible à partir du 17 novembre. Un livre témoignante d’un parcours, mais aussi d’une époque. L’artiste a compilé son histoire, mais aussi des making-of de visuels cultes, des photographies inédites et intimes en plus de 550 pages. 

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