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Rédigé par Cathou Phi / Mise en page par David D.

Le talentueux Smeels « Toujours pas rappeur. » revient en force avec son tout nouvel EP intitulé « GLOF », sorti le 12 avril 2024.

Dans ce nouvel opus, il nous transporte dans son univers à la croisée de variations de flows entre rap et RnB comme les ricains, où ses paroles s’harmonisent parfaitement avec sa vision musicale.

   En tant qu’artiste, Smeels défend farouchement ses propres convictions artistiques, ne cherchant à collaborer qu’avec ceux qui respectent sa sensibilité créative. Cette intégrité transparaît clairement dans sa discographie et dans les choix artistiques qu’il fait et qu’il eut fait. Ce qui rend Smeels unique, c’est qu’il ne se contente pas de créer de la musique, mais qu’il crée véritablement du « Smeels ».


L’artiste nous livre une fois de plus des récits authentiques, confirmant ainsi son talent incontestable pour captiver son public. “GLOF” nous apparaît comme un sérieux prétendant pour élargir celui-ci, au regard de sa discographie et de son évolution.

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Ep cover

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Prédestinée non musical 

Le 27 mars 2024, une agréable surprise nous attend : Smeels annonce son retour avec son nouveau projet, pour notre plus grand plaisir. A l’annonce de ce nouveau chapître, il est opportun de revenir sur son parcours qui, ne ressemble pas forcément à l’archétype de celui d’un mordu de son. 

Le début, c’est un pays d’abord : le Cameroun. Arrivé en France du Cameroun à l’âge de cinq ans, il s’installe à Bordeaux avec sa mère, et affirme ne pas avoir de tant de souvenirs d’enfance liés au rap. Cela pourrait être perçu comme inhabituel, voire inédit pour un artiste d’avouer à demi-mots que la musique n’est pas forcément de base, une passion. 

Avant l’âge de quatorze ans en effet, la musique n’était pas au cœur des préoccupations de Smeels. Ce n’est finalement qu’après avoir déménagé à Paris à la fin de ses études secondaires qu’il s’est initié au rap, et ce, tout de suite de manière autodidacte.

Il révèle dans une interview accordée à Booska-P en décembre 2019, qu’il a longtemps hésité à se lancer dans la musique par crainte des critiques. Il est facile de comprendre ses réticences à un âge où l’on se construit, et où les remarques blessantes des autres peuvent nous paralyser et être un frein.

« C’est d’abord des gens qui m’ont persuadé que j’étais bon…

je les ai écoutés et j’ai continué à travailler ». 

Toutefois, il a été encouragé par son cercle proche à se lancer dans cette branche. Il a déclaré que cette démarche a été initiée car on lui a affirmé qu’il était assez bon dans ce qu’il laissait transparaître : « C’est d’abord des gens qui m’ont persuadé que j’étais bon… je les ai écoutés et j’ai continué à travailler ». 

Smeels commence alors la musique parce qu’il lui dit lui même « c’est cool », et il finit par y prendre de plus en plus de plaisir.

Rencontre musicale

Une rencontre clé pour le début de sa carrière a été celle avec Yeong Michin, rappeur et beatmaker bordelais. Liés par leur passion commune pour autre chose que la musique à savoir les sneakers, les deux amis ont commencé ensemble en 2016 à s’intéresser au son. Un synthétiseur et un micro acheté par Yeong, vient ensuite le commencement des premiers morceaux produits avec la voix de Smeels posée. Leur premier morceau ne tarde pas à arriver, mais ne rencontre pas le succès espéré. Les deux restant cependant ambitieux, décident de persévérer jusqu’à maîtriser de mieux en mieux leurs outils et ajoutent de l’autotune à l’équation, comme il était finalement coutume de le faire dans la fin des années 2010.

La première apparition de Smeels sur les plateformes musicales a été avec le track « Pause » sur SoundCloud en octobre 2016. Par la suite, un EP de cinq titres intitulé « FIDHAM » vit le jour sur SoundCloud et apparaîtra ensuite sur les plateformes de streaming deux mois plus tard.

En octobre 2017, Smeels et Yeong Michin sortent ensuite treize titres sous un projet nommé « OPTNT ». Puis, en novembre 2017, Smeels sort un EP de quatre titres intitulé « Muchos Lovos » sur SoundCloud.

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Premiers succès

En avril 2018, Smeels attire l’attention sur Twitter. Il est victime d’un leak avec sa voix modifiée sur un de ses sons. Cette voix modifiée est assimilée sur la twittosphère à celle de Damso, mais ce qui sème également le doute sur l’assimilation à Damso, c’est la poésie. Cette vidéo a été visionnée plus de trois millions de fois, et de nombreuses personnes l’ont alors confondu avec le rappeur belge. Cet épisode a accru considérablement la visibilité du rappeur bordelais devenu parisien, et ses fans n’ont pas eu de mal à rappeler qu’il s’agissait bien du son de Smeels, pour lui permettre de gagner en notoriété et de retrouver possession de son art.

Il n’est d’ailleurs pas rare que Smeels soit comparé, comme c’est monnaie courante dans le rap et dans tout autre style musical : il a ainsi fait l’objet de comparaisons avec Damso comme évoqué précédemment mais aussi Josman avec sa voix ou de par les thèmes abordés ou encore Dosseh.

2018 fut une année plus que productive pour Smeels qui partagera quatre sorties sur SoundCloud, puis la fameuse mixtape en mai “Toujours pas rappeur.”. Une grande partie des morceaux seront produits par lui-même, comme notamment le très bon titre “Cachemire”.

Clip de Cachemire issu du projet “Toujours pas rappeur.”

Smeels fait son retour en avec deux singles quatre mois après la sortie de sa mixtape avec deux tracks puis une autre mixtape Sold Out. Une année plus que productive, mais qui ne néglige jamais l’aspect qualitatif.

En 2019, une nouvelle mixtape “Selfmade” voit le jour en décembre après avoir sorti de nouveaux singles. Il démontre encore une fois son côté ambitieux et autodidacte et parle de son attachement à faire les choses lui-même :

« J’aime bosser chez moi, tranquille, avec un micro bas de gamme et une carte premier prix, puis mixé à l’oreille.

Dès que ça sonne bien, c’est parti ! Pourquoi aller voir ailleurs quand tu sais faire quelque chose ?

Le but, c’est de faire les choses par soi-même. Là c’est mes tracks, mes sons, mon écriture. C’est ce qui me rend fier de mon projet ».

Alors qu’il travaille sur un grand projet, Smeels prend un peu de retard mais décide tout de même de ravir ses fans en sortant en novembre 2020 “Very Bad Drip”. Cet EP se veut très différent de tous ses autres projets.
Là, il explore les clichés du rap avec de l’égo trip et des flows empruntés des américains qui sont pour la plupart son inspiration principale, afin de montrer à tous qu’il sait aussi sortir de sa zone de confort. Ainsi, l’artiste navigue dans des contrées qui ne sont pas les siennes, mais parvient à être tout aussi convaincant. Une palette technique qu’on pouvait soupçonner et qui est très complète.

Clip Facetime issu du projet Very Bad Drip

Toujours par amour en ajoutant le geste

En 2021, “Par amour et pour le gestevient s’ajouter à la liste des œuvres de Smeels. Ce dernier reste en solo et ce projet est celui qui est sans doute le plus abouti de toute sa discographie.

Il souhaitait que personne ne vienne parasiter ses pensées et le résultat est assez bluffant. Son huitième projet, -déjà-, vient faire l’inventaire de ses propres expériences avec l’amour avec des titres commeLover Boy” ou encore “Une veste pour 2”, le succès avec “Bénéfice”, la pudeur, l’inspiration mais aussi plus généralement le rapport qu’il a avec lui-même sur sa confiance.  

Ce projet permet à Smeels de se dévoiler davantage, offrant ainsi une vision plus intime de sa personnalité. Bien que l’amour soit au centre de son travail global que ce soit par la façon dont il travaille activement ou les thèmes abordés, il reconnaît que c’est l’une des nombreuses influences qui guide sa musique et sa créativité. L’amour est affiliée au geste : Sa vision du projet est l’amour certes, mais qui ne doit pas être le seul à être pris en compte, et doit être couplé d’un geste pour être considéré et perçu comme tel par les autres. 

Il ne s’arrête pas là pour l’année 2021, on commence à connaître Smeels : Very Bad Drip 2” sort et reprend les mêmes codes que le premier volet.

 » Il surprend cependant avec des albums purement composés d’instrumentales. »

Accalmie

Ces deux années seront un peu plus calmes pour l’artiste. Être calme pour quelqu’un d’aussi productif que Smeels est finalement qu’une accalmie.
Il vient faire une apparition sur un titre d’Araujo en 2022, et sort deux titres “LE CIEL” et “INDISCRET”.

A l’automne 2023, Smeels, fidèle à lui-même, vient avec non pas un, ni deux, mais trois projets, “UCKME”, “LET THE SILENCE SPEAK”, et “THE END” pour un total de 31 tracks. Il surprend cependant avec des albums purement composés d’instrumentales.
On se demande alors s’il s’agit d’une simple expérience qu’il souhaite tenter ou alors d’une nouvelle voie pour l’artiste en tant que beatmaker?

Il finira par être invité sur le projet du média Raplume “MIEL”, collaborera avec MadeInParis sur le morceau “Geneva”, laissant un peu plus de crédit à l’hypothèse de l’expérimentation.

Smeels

Dernière sortie

La richesse de la discographie de Smeels méritait d’être présentée afin de mieux saisir l’évolution menant à la sortie de son nouveau projet « GLOF ».

La vibe planante qui a été développée par ses soins, et son attachement au DIY (ndlr : “Do It Yourself”), se retrouve à chaque projet.
Dans le cas de « GLOF », bien qu’il n’ait pas tout construit seul, le projet reste fidèle à cette approche personnelle. Smeels, habituellement plutôt solitaire, s’est entouré cette fois de plusieurs talents pour donner vie à sa vision : Twinsmatic (connus en qualité de remixeurs pour Beyoncé, ou encore Drake), Paul Dumas (ayant travaillé pour S.Pri Noir ou encore B.B. Jacques) et Mar J, une jeune artiste qui pose sa douce voix sur “JANVIER” et avec laquelle il collabore sur un titre “PRESSION” sorti ce 16 avril dernier, font tous partie de l’équation.

Le résultat est un projet hybride, oscillant entre RnB futuriste et inspirations régressives dans le bon sens du terme. La voix chantée de Smeels s’intègre parfaitement à cette atmosphère à la fois envoûtante, fumeuse et parfois même rétrofuturiste. On assiste à un projet réconfortant dans la manière où l’artiste l’aborde, notamment par des thèmes qui lui collent à la peau, mais qui présente une certaine innovation dans ses sonorités tantôt électroniques.
Les changements et variations donnent du relief à ses textes, donnant presque une vibe mélancolique sur tout l’EP, et sur quelques sons un peu plus teintés comme “LES MÉTAUX” ou “LE PRÉSENT IL MENT”. Il arrive d’ailleurs lui-même à résumer simplement les thèmes de son EP en un lyric dans ce dernier son :

« Des fois les rêves, des fois l’amour, des fois la maille »

Un ensemble imprégné de cohérence et de profondeur, même si les thèmes abordés sont plutôt récurrents dans le Hip-Hop et le RnB. L’écoute de cet EP ne peut que susciter des émotions, perçues comme sincères et authentiques, transportant l’auditeur à travers ses différentes strates et dimensions musicales.Tout comme dans ses projets précédents, le bordelais incorpore quelques instruments dans ses tracks tels que la guitare ou le piano, intensifiant ainsi l’idée de son aspect plutôt mélancolique.

Il n’en demeure pas moins qu’il n’y a pas que cela dans ce projet, et que cela serait réducteur. Smeels choisit “GOLDIE” comme premier extrait, qui va donner le ton d’un EP qui se démarque davantage par ses influences rap que certains de ses précédents travaux, notamment dans la pertinence du choix des prods et leur résonance.

..un refrain mélodique et les voix de Smeels qui s’entrelacent dans un univers spatial.

Clip “GOLDIE”

La prod de “GOLDIE”, signée Paul Dumas est dynamique et rapidement accrocheuse. Les basses se font bien présentes, accompagnées de voix autotunées en suspension. « OPPS » maintient la même atmosphère, avec un refrain mélodique et les voix de Smeels qui s’entrelacent dans un univers spatial.  

Smeels se fond aisément dans l’ambiance générale de l’EP, et affirme dans le premier extrait de “GOLF” que « les rookies ont viré les boss » ; il est pourtant loin d’en être un et le démontre aisément projet après projets.

En bref

Smeels incarne l’affirmation de ne pas se ranger dans une case prédéfinie. Il est l’assurance de développer sa propre esthétique musicale et de présenter des projets qui sont ni 100% rap, ni RnB, ni trap, ni drill, ni boom bap, mais qui sont résolument du “Smeels”.
Une marque de fabrique et une signature artistique qui demeurent difficiles à concocter aujourd’hui, alors qu’il est tentant de reprendre les codes de ses congénères pour fusionner son son ou encore lorsqu’il est aisé de faire appel à des équipes de l’ombre pour façonner sa propre identité. Smeels parvient à le faire avec brio et très humblement. Il a confiance en sa musique et sa vision, faisant de lui-même le premier ambassadeur du son qu’il propose, comme en témoigne la modeste promotion entourant son dernier projet. Toujours consciencieux, il élabore une discographie solide dans laquelle il n’a pas peur de détonner ou de s’aventurer dans d’autres territoires inconnus.

« GLOF » s’inscrit dans cette démarche tout en restant accessible aux nouveaux auditeurs. Ce projet dévoile la diversité artistique du franco-camerounais et constitue une première approche très plaisante de son univers musical, accessible à tous pour s’identifier. Son côté introspectif résonne de façon universelle, évoquant les doutes et les espoirs communs à tous les êtres humains.

Que les fans se rassurent, Smeels en tweetant que “GLOF” était le plus beau projet qu’il a pu créer, a ajouté que ce n’était pas le dernier.

Golf  ici

Nous attendons avec impatience de voir comment ce projet pourrait propulser sa carrière à un autre niveau et lui permettre d’explorer de nouvelles aspirations artistiques pour celui qui a la dalle et veut tout.

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