CHRONIQUE : Saison 00 de Luidji, d’un enfant perdu à une star reconnue

Paul

Rédigé par Paul D.

Il aura fallu s’armer de patience avant qu’Alexis ne fasse son retour auprès du grand public avec un nouveau projet tant attendu par sa communauté.

Dans cette nouvelle saison, Luidji nous montre qu’une longue période d’absence peut être parfois synonyme de retour à zéro.

Qui est Luidji ?

De son nom complet Jordan Alexis et frère de Beeby, Luidji est un artiste d’origine haïtienne né à Villiers-le-Bel, dans le Val-d’Oise. Comme expliqué dans son interview dans Le Code, émission présentée par Mehdi Maïzi, il grandit en banlieue à Aubervilliers ainsi qu’à La Courneuve, où il fera une partie de sa scolarité avant de plier bagage à Issy les Moulineaux. 

Alors âgé de 15 ans, il écrit ses premiers textes et publie ses premiers morceaux en indépendant sur la plateforme Skyblog. En 2009, Luidji dévoile sa toute première mixtape intitulée Freshness. 

Lors de l’année 2012, à la suite d’une deuxième année d’étude en informatique et mathématique, il décide de se consacrer pleinement à son art et signe dans la maison de disque Wagram Music. Dedans, il sortira deux nouvelles mixtapes, Station 999 et Mécaniques des fluides. 

En 2015, Luidji décide de partir et de monter son propre label en indépendant « Foufoune Palace », chaperonné par Def Jam. À la suite de cela, il sortira des titres qui le feront connaitre du grand public, comme « Marie-Jeanne », ou encore « Foufoune Palace ». 

Arrivé en 2019, année charnière dans sa carrière, son tout premier album Tristesse Business : Saison 1 est synonyme d’un véritable succès puisque qu’il est l’un des tremplins majeurs permettant à Luidji de devenir celui qu’il est devenu. En effet, durant ces 4 années d’absence, avant son retour en juin 2023, l’artiste était accompagné majoritairement par ses plus grands titres, son dernier projet en date et quelques morceaux de son EP Boscolo Exedra.

Carte d’identité de Saison 00 

Composé de 14 morceaux et dure exactement 37 minutes, Luidji est accompagné par Tuerie, Astrønne et Ryan Koffi sur 3 morceaux de l’album.

L’égérie de Foufoune Palace nous y dévoile un projet pouvant être désigné comme une autobiographie. Effectivement, Luidji dévoile avec une entière transparence, son passé et sa vie en tant qu’Homme, telle une thérapie.

La numérotation 00 est décrite ici comme étant le commencement et le déroulement de la vie d’Alexis. Nous verrons plus précisément au sein de la chronique, la particularité de cette désignation de « début » puisqu’une partie du projet retranscrit l’enfance de l’artiste. Elle y dévoile aussi tous les aspects psychiques qu’il a pu ressentir étant enfant jusqu’à son statut d’artiste reconnu dans le monde entier.

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Luidji : Un enfant discret, perdu et différent des autres

Ce n’est pas un secret que de dire que ce nouveau projet de Luidji est un véritable saut dans le passé et l’enfance de l’artiste. Si l’on se penche sur sa conception, on constate que les 3 premiers morceaux tournent autour de son adolescence jusqu’à sa période de jeune adulte.

L’introduction « ALEXIS », désignant Luidji et l’enfant qu’il a été, fait état de ce qu’il a pu ressentir étant petit. Se comparant à autrui et plus particulièrement son meilleur ami, ses rimes font transparaître un manque de confiance en soi qu’il a pu ressentir étant jeune. Voulant devenir la star du lycée, les dernières paroles de ce morceau se veulent prémonitoires puisqu’il précise qu’il deviendra plus tard « un artiste » ou encore une « star ».

« Téléfoot », émission télé présentée sur TF1 retraçant l’actualité du football dans le monde, était la routine du dimanche matin de nombreux enfants fans de football. Concernant Luidji, sa présence à l’Église lui a fait manquer une majeure partie de ces épisodes footballistiques. Peignant une routine rythmée entre religion et l’envie d’une mère à déménager, Alexis dévoile un quotidien qui ne lui plaisait pas forcément au premier abord mais il finira par se rétracter face à tout ce que sa mère a pu lui offrir dans son enfance.

Effectivement, ces moments passés au solfège et à l’Église lui ont forgé un esprit créatif et lui ont donné, sans qu’il le constate étant plus jeune, un goût pour la musique. La transition dans le morceau dévoile que les enfants étaient vraiment « méchants » avec lui. Lui créant une forme d’anxiété, son psychologue, personnage important dans le projet, déclare que celle-ci survient à cause de son passé en tant qu’enfant.

En réponse au morceau « Téléfoot », le featuring avec son compère Tuerie regroupe toutes les cartes de ses antécédents plutôt stressant. La pression – des études et des parents – accentue ce que nous avons tous vécu un jour : la peur d’échouer et de décevoir nos aïeux. D’autant plus que l’artiste ne rêve pas avant tout de mariage, d’héritage… Étant dans une grosse période de remise en question, on comprend que Luidji, lui, rêve de la vie d’artiste.

Un aparté rappelant Tristesse Business : Saison 1

Arrivé au premier interlude du projet, le titre et nom « AYIDA » désigne l’époux de DAMBALLAH (autre interlude du projet que nous présenterons par la suite). Cette divinité provient de la tradition des Fons et est représentée par une couleuvre. C’est une divinité miséricordieuse levant les malédictions qu’une autre divinité jette sur les infidèles.

En progressant dans ce court passage, nous pouvons entendre une chorale répétant pendant près d’une minute « Ça va aller ». On peut donc s’imaginer que la vie de ce jeune enfant haïtien ne pourra qu’être plus lumineuse et positif.

À la suite de celui-ci, 2 morceaux se rapprochant fortement de l’univers de son dernier projet feront une apparition soudaine. « Sérénade » et « Reste en Vie ». Ces deux titres sont de véritables poésies respirant l’Amour.

En effet, « Sérénade » se dévoile comme étant l’histoire d’une relation profonde, sincère et romantique. Cet amour dont les discutions sont les plus authentiques quand deux cœurs sont mis au centre des débats. Cet amour dont les sentiments et la passion s’entremêlent pour former de manière très douce et envoûtante, l’art de dire à son prochain qu’on l’aime. Cet amour, dont très souvent, nous avons peur de le voir s’échapper et glisser entre nos mains ou notre destin.

De l’autre côté, « Reste en Vie » se présente comme un poème plus rythmé et ensoleillé. Fêtant un passé compliqué au gré de sa passion, il marque le passage dans une nouvelle dimension. Durant ces plusieurs minutes, Luidji aborde son CDI, ses clips et le fait qu’il ne vit pas encore de sa musique. Cependant, l’intonation du morceau peut nous mener à penser que l’avenir finira par s’embellir au fil des années. Assurément, le temps et la persévérance sont les maitres mots pour garantir une vie épanouissante et intense.

Luidji : à l’aube de devenir une véritable star

Alors qu’un quotidien d’artiste commence petit à petit à pointer le bout de son nez, accompagné d’Astrønne, Luidji raconte étroitement ses premières scènes devant un public. En fermant les bars après chaque concert, une routine et une certaine notoriété se crée.

Le temps passe et les heures au studio s’accumulent. Le morceau « Cabine » décrit toute l’ampleur émotionnelle qui s’en dégage et son processus créatif. À noter que certain passage rappelle étroitement des sonorités de Tristesse Business : Saison 1 (« Sirènes à la peau dorée »). Fan de la musique d’antan, les connaisseurs ont dû reconnaître la reprise du morceau « Fais comme l’oiseau » de Michel Fugain. Synonyme de liberté, l’oiseau peut être à titre comparatif, Luidji survolant tout ce qu’il a vécu de son enfance passé à son présent d’artiste. De plus, il ajoute et exprime toute la complexité de dévoiler l’enregistrement d’un morceau (« Rien n’est facile, dans la Cabine »).

Pour puiser son inspiration et revenir aux sources pour la création de Saison 00, comme raconté dans son interview Le Code, Luidji est parti plusieurs mois au Brésil. Le titre « BAHIA » fait référence à un état du nord-est du Brésil. Dans ce morceau, il y décrit le quotidien que tous les touristes ont dû vivre lorsqu’ils étaient confrontés à un mode de vie complètement différent du sien. « Seul dans un bus de nuit », cette posture de voyageur l’oblige à s’adapter constamment. La voix féminine que l’on peut entendre en fond, décrit son subconscient comme étant son propre guide. Ce moment de solitude prolongé lui rappelle son enfance où il a longtemps été confronté à devoir errer seul dans son propre monde.

Il en a rêvé jour et nuit, de sa revanche sur la vie.

Après vous avoir présenté précédemment le premier interlude nommé « AYIDA », il est temps de vous parler de « DAMBALLAH ». Esprit vaudou représentant la fécondité et la bonté, elle est symbolisée par le boa (figure emblématique de l’album). Dans le morceau en lui-même, une chorale lui chantonne « n’essaye pas de tout maîtriser » rappelant une fois de plus, comme une véritable thérapie, de lâcher prise. 

Il y a d’ailleurs pris soin d’inclure un passage assez « intimiste » avec son psychologue, Dr Komprann. Cela prouve à quel point Luidji veut se mettre à nu auprès de sa communauté pour faire transpirer toute la sincérité dans ce projet.

« Monde » en est la preuve concrète. « Est-ce qu’un jour j’pourrais compter parmi les grands de ce monde » L’avant-dernier morceau est pour ainsi dire, le titre le plus intimiste et universel à la fois. En effet, les mots simples qu’ils emploient, son interprétation, amène une légèreté qui nous permet de se mettre à la place d’un Homme souhaitant écrire sa propre histoire. Elle nous emporte dans nos propres songes nous imaginant réaliser les plus belles et grandes actions que l’on souhaite accomplir dans notre vie. Pour revenir à Luidji, ce besoin d’être grand, ses échecs et son passé, l’ont aidé à devenir l’homme qui l’aspirait à être. 

Concernant l’outro, « igné », désignant de ce qui est de feu, elle reprend certains codes de « DAMBALLAH » : chercher à ne rien maîtriser. Ce choix de conclure l’album avec cette désignation est une sorte de morale que nous devrions tous retenir : laisser la Vie nous offrir ce qu’elle nous a concocté et de garder cette flamme qui nous anime dans tout ce que l’on voudra entreprendre. 

Conclusion de Saison 00

Pour finir en beauté sur l’un des meilleurs projets de cette année 2023, on ne peut qu’affirmer que Luidji a dépassé toutes les attentes sur cet album. Se positionnant comme une véritable thérapie personnelle, elle reste malgré tout, tout autant universelle avec l’énergie qui s’en dégage. En effet, la musique est un remède pour un artiste mais aussi pour son auditeur. Si les émotions retranscrites dans un morceau, touche le cœur de celui qui l’écoute, l’objectif ne peut qu’être accompli.

Alors faisons tout ce qui est entre notre possession pour que Saison 00 de Luidji, devienne un album marquant qui nous pousse à accomplir de notre côté, de grandes et belles choses.

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