CHRONIQUE : Keroué, à la recherche de lumière
Rédigé par Paul D.
Rimeur hors pair, maître dans l’art des placements, Keroué est l’un des artistes les plus complets du Rap.
Après la sortie de son premier projet solo dévoilé en juillet dernier, Keroué fait son grand retour ce vendredi 10 mars avec un nouvel EP intitulé Candela.
Qui est Keroué?
Avant de passer au peigne fin le nouveau projet de l’artiste quimpérois, prenons le temps de revenir un instant sur sa carrière.
Ancien membre du groupe « Fixpen Sill » avec Vidji, Keroué a également fait parti du collectif 5 majeur et Fixpen Singe. Toutefois, ayant pour souhait de développer sa propre direction artistique et son propre univers, seul, il décide de prendre les rênes de sa carrière d’artiste.
À la suite de cette décision, l’arrivée de son premier EP sol amène un vent de fraicheur sur sa proposition musicale. En effet, Eckmühl se présente comme une première carte de visite. Son besoin créatif est tel qu’il a également dessiné la pochette du projet. Effectivement, comme expliqué lors de l’annonce de sa sortie, Keroué l’a réalisé de façon à nous proposer quelque chose d’unique et de personnel. À l’écoute de l’EP, nous pouvons y retrouver tout l’étendue de son talent. Il a l’art d’exposer sa musique à travers une plume aussi tranchante que touchante, et ce premier projet solo en est la preuve.
Après vous avoir présenté Keroué dans ses grandes lignes, passons sans plus tarder dans les profondeurs de Candela.
Carte d’identité de CANDELA
Composé de 8 titres dont 2 en featuring avec NeS et Limsa D’aulnay, Keroué décrit ce projet comme la suite logique de Eckmühl. Côté producteurs, on retrouve notamment Dehlo ; Vidji ; Lil Chick et Jeanjass.
Le choix du titre de l’EP cache quelques petites subtilités, notamment sur sa signification. En effet, « Candela » est la traduction latine du mot « Chandelle ». Sa dénomination est avant tout une unité d’intensité lumineuse. À travers celle-ci, on mesure toute son intensité, une sorte d’éclat perçu par l’œil humain.
D’après moi, à travers ce nom, Keroué distingue ses « éclats de musique » comme étant la lumière que nous pouvons distinguer à travers ses projets.
Keroué, un talent encore trop peu reconnu
Après les nombreuses heures que j’ai pu passer à disséquer les différents indices laissés dans l’EP, mon attention et ma réflexion se sont portés sur l’omniprésence de 2 thèmes : la réussite et l’argent. À première vue, on pourrait croire que ces sujets sont abordés avec assurance mais que neni. La majorité des sons du projet traitent un manque généralisé.
Pour mieux comprendre mes propos, je vous invite à vous attarder sur la track 2. « CETTE SHIT » dévoile Keroué sans arme face à cette « tempête intempestive » qu’est la musique. Avant de comprendre que l’ancien membre de Fixpen Sill citait « cette shit » comme étant le monde musical, mes autres hypothèses étaient plutôt tournées vers la richesse et la condamnation à la réussite perçue sous un angle négatif. Son manque de conviction vient contraster avec l’introduction du projet.
Effectivement, « LUMEN » de son latin : lumière révèle une facette de l’artiste rempli d’assurance et d’égo trip. Son souhait de prouver aux autres qu’il a terminé de « jouer la comédie » prouve qu’il a une certaine motivation à vouloir changer les choses. Toutefois, LUMEN est aussi une unité de flux lumineux et correspond alors à une quantité totale de lumière visible dans un faisceau ou un angle bien défini. Cela fait sens avec tout le talent que possède Keroué dans la musique. Il est donc important d’écouter, analyser et assimiler chaque rime que nous confie l’artiste quimpérois.
Pour appuyer le titre de cette première partie, les invités présents sur l’EP laissent place à une sorte « d’accompagnement » de ce manque de reconnaissance.
Dans « OSEF » en collaboration avec NeS, le rappeur originaire de la banlieue Sud Parisienne se présente comme un artiste lucide sans réelle distinction. « J’ai bien vu dans leurs yeux qu’ils me voyaient comme un zéro » : si vous observez bien la construction de cette rime, l’omniprésence des champs lexicaux de la vue vient appuyer l’absence de reconnaissance de la société.
Bien que l’ambiance semble similaire à l’introduction du projet, on peut constater la petite subtilité qui s’y est glissée. Le manque de vision signalé par NeS s’accommode au mauvais regard porté par les auditeurs d’où l’importance de « l’écouter sous un bon angle » (définition de LUMEN : unité de flux lumineux).
En ce qui concerne « TAXI 2 » en featuring avec Limsa D’aulnay, la mise en avant de leur talent se fait ressentir dans une bonne partie des 3 minutes 24. Attardons nous sur deux phases : « Bientôt ma statue dans la Parthénon » exprimé par Keroué et « Quand je raconte chose-quel enregistre, car je suis le meilleur dans l’registre » de Limsa. C’est deux phrases démontrent toute leur maîtrise et mettent en exergue l’importance de soutenir les artistes dans leur art.
En plus de cela, dans la deuxième partie du son, l’artiste quimpérois exprimera sa détermination à réussir d’une manière plus radieuse. Cette rime « Briller comme couleur d’arc-en-ciel » interpellera mon oreille attentive à comprendre que Keroué connaîtra, un jour ou l’autre, toute la reconnaissance qui lui est dû. À partir de ce moment-là, je croyais dur comme fer que cette positivité allait perdurer. Malheureusement, d’autres tourments viendront contrarier ce semblant de positivité.
©Valentin Bourdiol
©Miles Hilderal
Keroué, partir loin pour mieux se comprendre
N’étant pas comme les autres, le sentiment de différence force l’artiste à se replier et s’évader loin de la société.
Lors des situations où les tourments prennent le dessus sur ses pensées, la mélancolie se présente comme étant le meilleur refuge pour que Keroué puisse les extérioriser. Dans « J’Y VAIS TOUT SEUL », la comparaison à la foudre pour définir les problèmes pointe tous les impacts qu’ils peuvent avoir sur lui. Le besoin de s’évader est donc primordial pour lui permettre de faire « une pause et reset ».
De plus, l’ambiance planante de cette 5ème track m’a fait réfléchir et m’a permis d’imaginer une scène où l’artiste se retrouve seul, pensif, en compagnie de ses pensées. Cette observation de lui-même dégage une certaine relativité à réaliser ses rêves sans l’aide de personne.
Cette envie de changer d’hémisphère se ressent de la même façon dans « RIEN DE GRAVE » où son état de fatigue et mental le pousse à changer d’air. Le champ lexical de l’espace prédomine et l’accentue une fois de plus. Il fait également un état des lieux de ses tourments, la société en elle-même et de sa place dans la musique. Effectivement, il explique être encore en train de « développer sa vista » et prouve que la lumière décrite par l’introduction et le titre du projet ne semble plus si lointaine.
Pour terminer, l’outro de l’EP est d’une importance capitale. Concernant la signification du titre, son étymologie gumnós désigne « être nu » et paízô « danser ». Quand nous les relions, on constate que Keroué fait valser les mots pour se dévoiler tel qu’il voit le monde.
On ressent un certain fossé entre un souhait de « revenir à l’innocence » (l’enfance, passé) et la pression qu’il ressent sur son avenir (ses amis commencent à avoir des enfants, futur). L’acceptation et le recul pris sur sa vie mènent l’artiste quimpérois à rester positif et à voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide.
Conclusion sur CANDELA
Après de multiples heures à comprendre, réfléchir ou encore écouter chaque esquisse du nouveau projet de Keroué, j’en tire différentes conclusions.
Concernant son sentiment d’avoir pris du retard dans le monde de la musique, j’ai cette vive impression que la communauté fan de son travail commence petit à petit à contredire cette vision. En cause, les précommandes de son premier EP solo (restock) et celles de CANDELA ont toutes les deux été sold out.
Pour faire le rapprochement avec toute la recherche menée par Keroué sur son deuxième EP, la définition de son titre en dit long. Plus clairement, le quimpérois souhaite faire briller sa musique et briller lui-même par la même occasion en démontrant tout le talent qui l’habite.
Soyez en sûr, dans les années venir, on ne cessera pas de parler de lui.
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