Interview de So’: Une discussion au pied des dunes
Rédigé par Alice P.
Du haut de ses 23 ans, So’ a déjà tout d’un grand. Après la sortie de son EP Sahara, il prolonge le voyage un an plus tard avec le volume 2, nouvel héritage de ses racines marocaines.
À l’occasion de la sortie de « LAYLA », la face nocturne et mystique de son précédent projet, il a accepté de répondre à nos questions pour une interview à la découverte de son univers.
Entre perception de l’amour, processus créatif et futures sorties, plongez dans l’expérience Sahara aux côtés de So’.
DANSLACIUDAD : Est-ce que tu peux te présenter brièvement pour celles et ceux qui ne te connaissent pas encore ?
SO’: Du coup moi c’est So’, je fais de la musique depuis le premier confinement. J’ai toujours voulu en faire depuis que je suis petit, mais j’ai jamais osé. Avec le confinement, je me suis retrouvé enfermé, j’avais rien à faire donc j’ai acheté tout le matériel nécessaire. Au début c’était trop dur et ça me prenait la tête parce que je savais pas comment enregistrer, comment tout gérer, mais j’ai tout appris tout seul et voilà, tout simplement.
Comment t’es venue cette passion du rap et de la musique ?
En fait, il faut savoir que quand j’étais petit, j’avais pas trop le droit d’écouter du rap. C’est surtout mon père qui refusait, parce que j’ai grandi dans un environnement religieux, donc c’était assez compliqué. Ce qu’on avait comme musique en vrai à la maison c’était des disques de Céline Dion, du coup j’écoutais que ça. J’écoutais beaucoup de musique nord africaine aussi, et en fait c’est venu de là. Quand ma mère faisait à manger, elle mettait de la musique, et c’est seulement à partir du moment où j’ai eu mon premier téléphone que j’ai commencé à m’élargir musicalement et à découvrir le rap.
Quelles sont tes principales influences musicales ?
En termes d’influences faut savoir qu’actuellement j’écoute pas beaucoup de rap non plus, je suis plus dans le R’N’B et l’afro. Mais en vrai, je dirais que j’écoutais beaucoup de Soprano, beaucoup de PNL, Lacrim etc. Et sinon en ce moment Chris Brown, je réécoute les anciens projets et je kiffe.
Est-ce que tu peux nous parler un peu de ton processus de création ? Comment est-ce que tu écris ? Est-ce que tu fais ça d’une traite lorsqu’une prod t’inspires ou bien tu grattes des petits bouts de textes dans tes notes ?
Mon processus de création est assez original. J’écris la plupart de mes textes sans prod’, je me pose et j’écris, tout simplement. Après j’essaie de réadapter sur les prods en fonction de celles qui me parlent, mais je suis très compliqué aussi en matière de prods, quand un élément ne me va pas, j’arrive pas à passer outre et me concentrer vraiment sur le son. Mais dans tous les cas faut être honnête, la majeure partie du temps j’écris quand ça va pas, parce que quand ça va y’a pas grand chose à écrire en soi, juste tu vis ta vie quoi. Du coup, quand ça va pas je sors mon téléphone, Notes et j’écris ce qui me passe par la tête, tout simplement.
Et ça peut te venir n’importe quand ou tu écris vraiment dans des conditions particulières ?
Ah non non, par exemple il y a plein de fois où j’étais en soirée et je suis parti m’isoler. J’étais dans mon coin, les gens me voyaient en bizarre mais c’est pas grave [rires] juste j’écrivais. En vacances, en famille ou quoi que ce soit, quand il y a un truc qui va pas je m’isole et je focus.
Ton EP « SAHARA Vol.2 » fait suite à « Sahara » que tu as sorti l’année dernière. Pourquoi avoir décidé de faire un second volet à ce projet plutôt que de faire un EP totalement indépendant ?
Je voulais garder cette continuité parce que le désert a une importance assez forte pour moi, et je voulais vraiment garder cette direction artistique, cette idée-là de pousser le projet un peu plus loin parce que j’ai pas eu l’occasion de le faire dans le premier. Y’a des trucs qui allaient pas dans le volume 1 et je voulais vraiment pousser au maximum, tout donner dans celui-ci avant de m’en séparer et de passer à autre chose.
Dans « RÊVE DE MOI » et « SELFISH », deux titres de Sahara Vol.2, tu proposes une vision assez fataliste de l’amour puisque tu parles de « naufrage », « d’abysses » et de « regrets ». C’est un sujet assez universel, est-ce que tu peux nous expliquer un peu pourquoi tu as abordé ce thème sous cet angle là ?
En fait, j’ai pas choisi volontairement le thème, c’est juste venu comme ça. Je pense que c’est tout ce que j’ai vécu qui a fait que j’ai choisi d’en parler de cette façon, mais c’était pas vraiment voulu. C’est juste que, j’étais dans ce mood-là, donc forcément j’ai décidé d’en parler.
Lors de ton dernier séjour au Maroc, tu as co-réalisé le clip de « COLOMBES ». Peux-tu nous parler un peu de ton voyage et de la façon dont le tournage s’est déroulé ?
Ouais ! On est partis en séminaire au Maroc et on s’est dit « on fait du son, autant tourner un clip » et avec mon réalisateur Alexanders, on a décidé de pousser le délire de Sahara au max et d’aller dans le désert pour tourner plein de plans. On avait pas spécialement de ligne directrice pour ce clip, on a juste pris des plans de paysages assez beaux, filmé un peu la vie là-bas. Et une fois qu’on est rentrés, j’ai pris tous les rushs et j’ai monté le clip directement.
Tu travailles au studio ODM dont tu parles également dans ton projet en disant « avec ODM on a dû cravacher ». Peux-tu nous raconter l’histoire de ce studio, et qui sont les membres impliqués dedans ?
Let’s gooo, minimum. [rires] Alors, dans le studio on est beaucoup, je vais pas dire tous les noms parce qu’il y en a énormément, mais je bosse principalement avec Renato et Samy, Renato qui est un beatmaker et Samy qui est mon producteur et manager. Au tout début où j’ai commencé le son durant le covid, j’envoyais mes sons à un pote en commun qu’on avait avec Samy, et lui envoyait les sons à Samy. Ça fait qu’à un moment on s’est retrouvés tous les deux à parler. Bon les sons étaient pas terrible parce que c’était au début, tu vois, mais lui, il a [hésitation] vu quelque chose peut-être, je sais pas ? Et ça a accroché. Au début, ce que je faisais niveau prod, c’est que je bossais avec Renato, on faisait les prods sur Discord, mais c’était compliqué parce que je pouvais pas aller chez lui et il pouvait pas venir chez moi. On en a eu assez et on a décidé de trouver un local et monter notre propre studio et depuis on bosse toujours ensemble. Ça fait un an et demi qu’on a le studio et ce qui est bien, c’est que j’ai réussi à essayer de plug un peu tout le monde sur twitter pour qu’ils viennent dans le stud, c’est vraiment devenu la zone où aller après les concerts et franchement je suis fier de ça.
Pour le moment, tu n’as réalisé aucun featurings sur tes projets, on t’a pourtant vu travailler avec certains artistes émergents (notamment Marshall et 021). Est-ce que c’est une chose vers laquelle tu aimerais tendre pour le prochain ?
En fait, c’est pas vraiment un choix dans le sons où j’ai pas rencontré les bonnes personnes au bon moment. Après, d’un côté, je me dis que c’est peut-être mieux comme ça, j’ai vraiment envie de donner ma vision, mes idées, ce qui est à moi tu vois. Même si je suis conscient que ça peut faire de bons mélanges, je veux vraiment apporter mon truc à moi avant tout. Mais dans le futur ça arrive.
Justement, j’allais te poser la question, est-ce que c’est un chose vers laquelle tu tends et est-ce qu’on peut avoir des noms quand même ?
Non ! [rires] Je dirai rien du tout, je préfère garder la surprise pour quand ça sortira.
Ok, mais du coup, on peut espérer des feats pour les prochains projets ?
Oui oui à 100%, sûr, y’en aura au minimum un.
Est-ce que tu prends autant de plaisir à travailler seul qu’à plusieurs ?
C’est pas la même ambiance, c’est pas la même chose. Je suis un peu perturbé quand y’a du monde, je vais un peu dans tous les sens, j’arrive pas à me focus. Mais d’un côté, tu vois, c’est une autre ambiance, c’est archi cool. Tu parles à tout le monde, tu fais n’importe quoi, c’est trop bien. Alors que quand t’es seul, t’es plus concentré et tu vas tout droit quoi. Le truc c’est qu’en étant trop focus, j’arrive pas à prendre de recul sur ce que je fais, alors que quand y’a du monde autour de moi je peux en prendre directement. C’est pas la même ambiance, mais dans tous les cas je prends autant de plaisir à être seul qu’à plusieurs, c’est un truc qui bouge pas.
Mais du coup comment tu arrives à écrire quand tu es entouré alors que quand tu le fais seul tu as besoin de t’isoler ?
Les mots sortent tout seuls, je sais pas comment l’expliquer. Quelqu’un va dire « château » et aussitôt je vais penser à tout ce qui y est associé, à son champ lexical, ça va me donner de l’inspi et directement je vais écrire sur ça. Bon, c’est un exemple [rires], après j’écris pas les mêmes choses quand y’a du monde autour de moi et quand je suis seul.
Au-delà des artistes, tu as également travaillé à plusieurs reprises avec le média Inflow : pourquoi cette collaboration, et comment est-ce qu’elle s’est mise en place ?
Honnêtement, je me souviens absolument pas comment c’est arrivé. Vraiment, j’essaie de chercher, mais j’y arrive pas. Mais en fait, juste, j’aime trop les gens qu’il y a dans Inflow, je sais que c’est une équipe bienveillante. Au final, c’est juste une question de vibe, on était dans la même. J’avais discuté un peu avec Axel (NDLA: le fondateur du média) je crois que c’est comme ça que ça s’est passé. C’est lui qui m’a proposé la tape Hélios et je lui ai envoyé des sons que j’avais déjà, j’ai pas fait un son spécialement pour le projet. Voilà, en soi ça a juste matché d’un coup.
Le 18 novembre tu t’es produit au Gambetta Club avec 2Maison. Tu peux nous parler un peu de cette date et de ce que ça représente pour toi ?
En fait, faut savoir que le concert c’était vraiment la dernière des dernières idées qu’on a eu en pensant au projet. On était dans la préparation de l’EP et c’est un mois avant la sortie qu’on s’est dit « On va faire un concert ». Du coup, comme je savais pas trop comment ça se passait pour réserver des salles, j’ai fait appel à 2Maison et ils ont trop bien géré ça. C’était carré de A à Z, tout s’est déroulé pour le mieux. Le 18 novembre en lui-même ça représente pas grand chose mais je sais que je m’en souviendrai toute ma vie, genre je me dirai « Ah, c’était là mon premier concert, c’était trop bien ». J’aurai juste voulu que ça dure plus longtemps, mais c’est pas grave, au moins on réserve ça pour un prochaine fois.
Et comment est-ce que tu as choisi les personnes qui ont fait ta première partie ?
C’est juste des artistes de mon entourage. Medah c’est quelqu’un que j’ai rencontré 1 mois avant la sortie du projet. Tout s’est fait vraiment en même temps. J’ai grave matché avec lui et humainement, on est dans le même délire. C’était obligé pour moi qu’il vienne avec moi. Marshall pareil. Et Mojane c’est particulier parce que je la connaissais pas du tout avant et ça a été une très très belle rencontre. J’aimais bien ce qu’elle faisait, du coup on est partis la voir et le courant est passé naturellement.
Tu accordes une grande place aux instruments à cordes dans tes sons. Cette importance s’est confirmée lors de ce concert grâce à une version acoustique de « OÙ ÇA NOUS MÈNE » à laquelle Sail33 et Medah ont contribué respectivement à la contrebasse et à la guitare. Pourquoi ce choix ?
Et Vlad aussi ! En fait, j’aime beaucoup la musique tu vois. Et je voulais vraiment proposer quelque chose d’original, de spécial, notamment pour mon premier concert, je me suis dit « il faut marquer les choses ». Dans le processus de création de « OÙ ÇA NOUS MÈNE » je voulais au départ faire une version acoustique de ce morceau dans le projet et pas la proposer comme
je l’ai fait. Je voulais vraiment en faire quelque chose de nouveau, et faire des versions acoustiques c’est un truc dont je rêvais depuis longtemps, moi j’ai kiffé.
« C’est l’essence même de la vie humaine:
les moments de lumière et d’obscurité
se succèdent et s’entremêlent. »
Bon, là c’est une question qu’on m’a demandé de te poser : Quand est-ce que tu comptes sortir « LE DÉSERT DE MON CŒUR » ?
Il sortira, mais pas sous la forme sous laquelle un son pourrait sortir. C’est-à-dire qu’il y aura une version spécifique quand il sortira. Je sais pas comment expliquer sans dire les termes mais ce sera pas un son à proprement parler. [rires] Je sais pas comment vous amener sur le bon chemin sans vous le dire mais voilà, dans tous les cas il sortira. 2024 ça c’est sûr après quand, je sais pas.
Pourquoi est-ce que tu as fait ce choix de proposer une réédition de Sahara Vol.2 ?
En fait, quand j’ai repensé à Sahara Vol.2, j’ai réalisé qu’il manquait un truc. C’était comme si j’avais raconté une partie de l’histoire, mais sans aller assez loin. Imagine, c’est un peu comme si on avait commencé une rando dans le désert, mais qu’on s’était arrêtés juste avant de découvrir les oasis les plus cools.
Donc, l’idée de faire une réédition, c’était de rajouter ce qui manquait, d’approfondir le récit pour vraiment plonger dans le vif du sujet. Le Sahara, c’est pas juste un décor de carte postale pour l’histoire ; c’est aussi un voyage perso, une sorte de quête intérieure. Avec cette nouvelle édition, je voulais donner plus de peps au récit, explorer plus de thèmes, et surtout, partager des bouts de l’histoire et des expériences qu’on n’avait pas encore vues. C’est comme si on reprenait la route, mais cette fois avec une carte qui montre des trésors cachés. L’idée, c’était de rendre le périple plus complet, de faire en sorte que les auditeurs se sentent encore plus proches du but, pas juste en kilomètres, mais aussi dans tout ce voyage intérieur qu’on fait en écoutant. L’EP, c’était le début, mais avec la réédition, on va plus loin et surtout, on vit l’expérience à fond. Bref, refaire Sahara Vol.2, c’était une façon de dire qu’on avait encore des choses à explorer ensemble, des histoires à raconter et des découvertes à faire.
Layla en arabe ça a trait à la nuit, ce projet est assez logiquement moins solaire que le précédent, quelle signification est-ce qu’on peut donner à ce changement d’ambiance ?
La nuit est souvent associée à la solitude, au mystère et à la réflexion intérieure, ça peut être vu comme un moment de vulnérabilité où les masques tombent et les sentiments les plus profonds ont la liberté de s’exprimer. En arabe, « Layla » ça évoque la nuit mais, en tant que prénom, ça peut aussi faire référence à une muse, à des personnes et expériences amoureuses passées. En fait, chacun peut trouver sa propre résonance et ses propres interprétations. Même au niveau des titres, on passe par la mélancolie, le regret, la solitude, mais aussi par des moments de joie et de célébration. C’est l’essence même de la vie humaine : les moments de lumière et d’obscurité se succèdent et s’entremêlent. En gros, c’est un voyage nocturne au cœur de mes expériences et réflexions. C’est une invitation à plonger dans les nuances de l’expérience humaine.
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?
Qu’est-ce qu’on peut me souhaiter ? Je sais pas… En tout cas moi je vais pas lâcher. Avec ce projet on a vraiment essayé de marquer les choses et ça annonce beaucoup de bonnes choses pour la suite. Ça va être classique, mais : restez branchés, dès début 2024, ça arrive rapidement. Là, on rentre dans une Ferrari, on va avancer très vite.
Donc de la réussite ?
De la réussite, de l’amour, du bonheur, tout ce que vous voulez, je prends tout. [rires]
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