©Noémie Lacote
« Je m’appelle Malcolm, je suis un artiste qui fait de la musique qui se définit comme afro-digital, c’est à dire que je fais de la musique qui est à l’interface entre RnB, rap, des rythmiques afro descendantes, des synthétiseurs et de la musique électronique. »
Rédigée par Hager H. / Mise en page par David D.
DansLaCiudad : Comment tu vas?
Malcom: Très bien et toi ?
Ça va merci, est-ce que tu peux te présenter pour nos lecteurs qui ne te connaissent pas encore ?
Je m’appelle Malcolm, je suis un artiste qui fait de la musique qui se définit comme afro-digital, c’est à dire que je fais de la musique qui est à l’interface entre RnB, rap, des rythmiques afro descendantes, des synthétiseurs et de la musique électronique.
J’ai sorti plusieurs projets dont un dernier qui s’appelle Demain aura le goût d’hier.J’aborde des thèmes assez personnels qui tournent autour de mes relations en général, qu’elles soient amicales ou amoureuses et mon rapport au monde. Je fais un peu ma psychanalyse à travers ma musique.
MALCOLM est ton vrai prénom, ce n’est pas un nom de scène, pourquoi avoir fait ce choix de garder ta propre identité ?
Oui, je ne vais pas jouer la carte de l’artiste mystérieux. Mon nom d’artiste, c’est mon nom. Il y a une espèce de continuité entre mon projet artistique et moi-même bien que je romance le truc. Bien sûr, je théâtralise un peu ma vie mais je suis assez en phase avec la musique que je propose. Je ne me crée pas de personnage. Je suis moi.
« Je délivre une vision de l’histoire à travers mon prisme. »
Et tu racontes ta propre histoire ?
Je raconte ma propre histoire ou les histoires que j’aurais pu vivre ou les histoires que j’imagine que j’aurais pu vivre. Souvent il y a beaucoup de moi mais parfois ça peut être des histoires qui ne sont pas moi mais qui renvoient à comment j’aurais pu le vivre ou comment je pense qu’une autre personne le vit, ou encore comment mes amis vivent certaines choses.Je délivre une vision de l’histoire à travers mon prisme.
Tu te mets en scène dans un contexte particulier, et tu relates voire tu romances cette scène-là ?
Exactement.
À quel âge as-tu commencé la musique ? Et qu’est ce qui t’a incité à te lancer ?
En réalité, j’ai commencé assez tard par rapport à mon bagage familial. Mon père est bassiste de funk donc j’ai toujours grandi dans la musique et j’ai grandi avec une femme qui s’appelle Célia Faussart qui fait partie des Nubians qui est un gros groupe de soul donc assez connu. J’ai donc baigné dans la musique depuis que j’ai 5-6 ans, même plus petit. Et j’ai commencé la musique vers 20 ans, j’en ai 29. Je suis un “grown-ass man”. En gros, j’ai rencontré un groupe d’amis avec lequel on a fondé un crew qui s’appelle Majin Killaz c’était mon premier groupe de rap.
J’ai commencé à écrire doucement alors qu’en vrai j’ai toujours baigné dans la musique mais j’ai commencé vers 20 ans à écrire. On était plugger avec des équipes comme Les Tontons Flingueurs à l’époque on a donc commencé à capter cet univers là donc le rap parisien.
J’ai repris mes classiques du rap en arrivant à la fac comme Beat de Boul etc. même si j’ai toujours consommé beaucoup de rap mais surtout rap US et le rap actuel de l’époque comme Rohff, La Fouine. Donc je me suis remis dans le rap réellement à cette période-là, j’ai commencé à écrire et au fur et à mesure, j’ai délivré mon truc. J’avais un groupe donc c’était cool on était 7 à rapper donc on avait chacun notre prisme, chacun notre manière de faire.
Donc je me suis inspirée d’un peu de tous ces trucs là jusqu’à ce que j’arrive à la version de ce que je suis maintenant afro-digital.
«…le Rnb, etc les mélodies chantées ont fait que moi j’ai pris cette direction plus rapidement que les autres qui étaient très dans le rap où on kick et on ne s’arrête pas quand on rap. »
Qu’est-ce qui fait que tu es passé d’un crew à une carrière solo ?
Plein de choses alors déjà je pense qu’on n’avait pas les mêmes ambitions. On était 7, on a commencé jeunes. Il y en a plein qui prennent ça comme simplement une passion. Pour moi, c’était vraiment un truc très exutoire, c’était un besoin. Cette nécessité s’est matérialisée par ma participation à un concours qui s’appelle Le Stri-it maintenant c’est Le Collectif, j’ai fait la première édition et ça m’a donné envie de me professionnaliser parce qu’en fait tu as un jury de 10 personnes. Parmi elles, on a été mentoré par Disiz à l’époque. Je me suis dit, ce truc que je fais par amusement plus par nécessité personnelle peut-être que ça peut devenir professionnel parce qu’en fait il y a des gens qui mettent du respect sur ce que je fais et qui sont qualifiés pour le dire.
Au-delà de ça, au sein du groupe, on prenait chacun une direction qui était très différente. Musicalement, j’ai toujours été plus ouvert que les autres de mon équipe. J’écoutais énormément de musique électronique, beaucoup de dancehall, beaucoup de souk, beaucoup de musique caribéenne en général. Le rap on écoutait plus ou moins la même chose ce qui fait que je suis allé très vite sur des sonorités vers de l’autotune. Je me suis tué à Hamza les premiers albums ce qui fait que l’autotune, le Rnb, etc les mélodies chantées ont fait que moi j’ai pris cette direction plus rapidement que les autres qui étaient très dans le rap où on kick et on ne s’arrête pas quand on rap.
J’ai commencé par ça mais je suis vite allé sur autre chose donc comme on n’avait pas du tout les mêmes timings. On a donc commencé à faire chacun des choses à côté et puis j’ai suivi mon truc personnel parce que j’ai fait Le Stri-it qui fait que j’ai commencé.
Mon crew c’est toujours mes gars, c’est-à-dire qu’on peut toujours faire du son ensemble mais le groupe en tant que tel, on n’a plus d’unité parce qu’en fait on est tous déjà à l’autre bout de la France. Il y en a qui ne font plus de son ou du moins qui rap tout seul de temps en temps mais qui n’ont pas une démarche professionnelle. Moi, les opportunités ont fait que je suis arrivé à un truc qui était professionnalisant.
« Laylow c’est une grosse réf pour moi et en vrai WIT, Laylow j’étais là en mode je suis avec des gens en place… »
Il y a un artiste aujourd’hui de la scène actuelle qui faisait partie de ton crew ?
En vrai pour l’instant il y en a un qui s’appelle SIR Reda qui continue avec qui je travaille pas mal vu que je fais un peu de la réal pour des artistes donc je l’aide à continuer ça. À part ça dans mon équipe pas trop.
Sinon quand j’ai fait Le Stri-it il y avait WIT. qui était avec moi. Il y avait aussi Roxaane qui fait de la pop. Il y avait aussi Yaro.
Le Street ça m’a mis dans ce truc de dire ok il y a plein de gens qui font des trucs différents et je suis avec des gens établis. Laylow c’est une grosse réf pour moi et en vrai WIT, Laylow j’étais là en mode je suis avec des gens en place.
Parmi les artistes, de la scène internationale ou français quelles ont été tes plus grosses influences ?
Je ne sais pas si je peux parler d’influence car en réalité je vais te citer des gens que tu ne pourras pas reconnaître dans ma musique. Par contre ils sont l’addition de tout ce qui fait ma musique. Je vais dire Justice, Lauryn Hill, Kalash, Kassav’.
Et dans ce que je considère être très proche, je vais dire Lala &ce, Laylow, Gesaffelstein, Amaarae.
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Tu as été repéré en 2021 avec ta participation sur la tape de Le Blaze avec Khali ou encore La Fève. Est-ce que ça a vraiment été un point de bascule dans ta carrière ?
En vrai oui et en même temps pas tant que ça. En vrai oui car en termes d’exposition c’est ce qui m’a intégré dans une scène car je suis arrivé pile au moment de la création de la new wave et avec des gens qu’on considère maintenant être les personnes qui sont les plus gros acteurs de cette scène-là.
J’ai toujours été identifié dans cette scène là sans réellement en faire partie car je fais, en réalité, une musique qui n’a rien à voir même si à l’époque elle était plus proche de la new wave. En fait, c’est plutôt dans le concept de la new wave dans lequel je me retrouvais mais moins maintenant car c’est un peu flou.
Ça a été un point de bascule en termes d’exposition, car on m’a mis dans cette scène là et parce qu’en vrai ça m’a permis de tester plein de nouvelles choses comme le fait de travailler avec plein de personnes qui ont des manières différentes de faire de la musique ça m’a changé en réalité car j’étais habitué à toujours travailler avec le même beatmaker.
Pour moi c’était un premier point de bascule mais ce n’est pas ça qui a fait que maintenant je suis en phase avec ma musique. C’est après, quand je suis passé par cette phase-là, par ces expériences et par le fait de me dire c’est de l’afro que je veux faire c’est à ce moment-là qu’il y a eu le point de bascule.
C’est l’afro qui correspond à tout ce que je veux véhiculer.
La musique c’est exutoire mais c’est en même temps ma manière de faire ma politique. Faire de la musique, c’est politique, faire de l’art c’est politique. Le fait de démocratiser et de mettre en avant toutes les rythmiques afro-descendantes c’est une manière de faire de la politique, pour moi raconter l’Histoire des gens qui sont comme moi et qui me représentent, les gens qui sont de cette double culture et qui ont grandi entre Les Antilles et la France et qui sont à moitié blanc, à moitié noir, ou métissé de quoi que ce soit c’est raconter notre Histoire. C’est mettre ça sur le devant de la scène alors que ce ne sont pas les Histoires qui sont racontées par tout le monde. Et ça c’est ma manière de faire de la politique.
Donc faire de l’afro premièrement, c’est là où je me sens à l’aise parce que culturellement je me sens à l’aise dedans, deuxièmement j’ai eu de la chance que ce soit trendy. Et politiquement ça me permet d’avoir ma part de politique dans le monde.
Parler aussi des fragilités dont les hommes ne parlent pas forcément c’est ma manière de mettre ça sur le devant de la scène. Les gens ont besoin de s’évader en écoutant de la musique.
Il n’y a pas de featuring dans ce projet, est-ce que c’était un souhait de faire ce projet en solo ?
En vrai j’arrive avec un truc un peu hybride. Si je veux montrer la pluralité de ce que je sais faire et la complexité, si je viens brouiller ça par d’autres personnes sachant que c’était un projet qui était très personnel avec un espèce de story-telling je ne pouvais pas intégrer quelqu’un d’autre dedans à moins de l’intégrer en tant que personnage autre qui viendrait jouer le rôle de quelqu’un de mon histoire.
Dans cet EP c’est mon histoire. C’était trop personnel pour que je puisse le partager avec quelqu’un d’autre. Et il y avait aussi des contraintes marketing et des contraintes créatives.
« Créativement » parlant ça ne marchait pas et d’un point de vue marketing ce n’était pas le moment d’avoir des feats.
Il y des artistes de la scène actuelle avec lesquels tu voudrais un feat parce que ça match avec ton univers ?
Oui, une artiste comme Ruthee parce que c’est RnB, un peu pop, un peu électronique, un peu afro. Des artistes comme Lala &ce, ça tombe sous le sens. Mais il y a aussi plein de gens qui sont beaucoup plus niches mais qui en même temps sont beaucoup plus proches de moi, des gars comme Ricky Bishop que je connais assez bien. Les gens dansent de ouf sur ces sons en plus c’est un gars de Guadeloupe donc grave en phase avec ça.
Tu as fait quelques feats jusqu’à aujourd’hui. Est-ce que tu préfères travailler seul ?
Oui et non, je suis quelqu’un d’assez cadré et quand je réfléchis à un projet, j’essaie de faire en sorte qu’il ait de la substance. Même si ce n’est pas hyper littéral, même si tu ne captes pas tout le sens directement et que ce n’est pas forcément lisible moi je sais qu’il y a une continuité. Et le fait d’intégrer quelqu’un d’autre dedans, tu es susceptible de faire du bricolage. Déjà que je construis avec un ingé, un beatmaker etc tu as déjà une espèce de liant à avoir si tu dois en plus intégrer quelqu’un d’autre, il faut que la personne fit avec l’univers du truc. Par contre, pour le coup j’adore faire des feats, j’aime trop faire du son avec des gens mais c’est vrai que pour faire un projet il faut que la personne soit partie intégrante du projet depuis le début.
Le projet doit avoir du sens, je trouve qu’on a perdu ce truc d’album que tu écoutes de A à Z où tu comprends toute la continuité du truc et ça je trouve que c’est un peu dommage. C’est pourquoi j’ai l’habitude de faire ça comme ça mais pour autant ça me va très bien de faire des feats. Il y aura des feats dans les futurs projets.
Je co-crée toujours et je trouve qu’on ne met pas assez en avant les beatmakers même si ce ne sont pas des feats à proprement parlé mais en réalité je crée énormément avec des gens. La real, chef de projet, les ingés, je travaille toujours avec une grosse équipe je ne suis jamais vraiment seul.
« …Il y aura des feats dans les futurs projets. … »
Concernant le processus de création, est-ce que tu pars d’une prod pour écrire ou tu écris d’abord et ensuite vous cherchez la prod ?
Je fais un peu une psychanalyse. Dans le processus, il commence à mettre des accords, je fais une topline, il construit autour et ensuite je me pose chez moi j’écris des trucs qui me viennent, je sens le truc. Quand j’ai plein de morceaux comme ça, à la fin je me pose je me dis “ok tu étais dans quel état à ce moment-là ?” je décortique en identifiant de quoi ça parle, c’est quoi le thème général, quel est le mood dans lequel je suis. Comment la réalité de la vie a fait que je me sentais dans tel état qui fait que en gros ce projet-là a cette substance-là. C’est comme si tu relisais ton vieux journal intime.
On part d’une base musicale, je crée puis je compile le tout en essayant de récupérer le plus de trucs qui ont de la cohérence. S’il y a des parties qui ne correspondent pas au mood général du projet, je les retire.
Tu es un artiste établi, quelle place occupe la musique dans ta vie ?
En réalité, j’essaie qu’elle en occupe un peu moins parce que mon artiste c’est mon nom et pendant pas mal de temps je n’ai pas eu cette déconnexion entre ma vie perso et ma vie pro. Et c’est problématique parce que tu as besoin de souffler et d’être quelqu’un en dehors de ta musique et de ta création et de ne pas vivre à travers ça parce qu’en vrai si ça ne marche plus, je fais quoi. La musique occupe un peu une trop grosse part pour l’instant mais en même temps c’est super stimulant. Je kiffe. Mais là j’essaie de la prendre d’une manière différente, de manière plus pro en tant que telle.
Quand je suis dans la création, je suis dans la création, quand je suis dans la production, je suis dans la production, quand je suis dans la réalisation, je suis dans la réalisation et quand je suis dans une phase de marketing promo, je suis dedans. J’essaie vraiment de segmenter ça parce que j’ai trop tout mélanger et je me suis dit il faut que je prenne du temps pour moi.
La musique c’est toute ma vie en vrai. Même dans la vie privée je crée car l’art est une nécessité, c’est une safe place pour moi, c’est un endroit d’exutoire donc en réalité j’y serai toujours. Mais en pratique, j’essaie de splitter.
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Qu’est-ce qui te distingue des artistes actuels ?
On est nombreux à faire cette psychanalyse surtout chez les artistes de cette génération-là. Des artistes comme Luther ou encore winnterzuko sont des artistes très personnels qui parlent beaucoup de leur vécu. Néanmoins le mélange de sonorités que je fais je ne crois pas qu’il y ait des artistes en France qui disent faire que de l’afro en tant que tel. Il y a des artistes qui font du RnB, d’autres du zouk, d’autres de l’amapiano. Plein d’artistes exploitent les sonorités afro de manière sporadique mais le mélange que j’exploite n’est pas super courant.
Je ne me sens pas si spécial mais sur cette scène-là personne ne fait ce que je fais en mélangeant ce bagage là avec ces sonorités-là. Je me sens ovni sur cette scène. Je fais une musique avec un potentiel mainstream. Même si mainstream ne veut plus rien dire et la new wave est devenue mainstream.
Pour résumer, j’aimerais être ce pont entre ce qui est considéré comme niche et ce qui peut être mainstream avec des sonorités très larges. J’aimerais montrer que l’afro ce n’est pas que forcément du Burna Boy.
L’afro c’est très large, quand tu écoutes de la drill, ça descend du dancehall. 90% de la musique qu’on écoute, drill, two-step, drum&bass, shatta, zouk, bouyon, c’est de la musique « issue » des musiques caribéennes.
Je ne veux plus des frontières dans la musique où on met tel truc dans telle case, je fais de la musique ouverte. Afro-digital je trouve ça intéressant en termes d’étiquette mais ce n’est pas un genre musical mais plutôt une bannière commune à tous les gens issus des diasporas afro-descendantes qui exploitent leurs codes mais dans le monde actuelle digitale donc ça peut être new wave, donc ça peut être électronique, donc ça peut être rap.
Tu parles de la musique comme un exutoire, à partir du moment où tu as trouvé ta DA et tu as défini ta musique comme de l’afro, quels sont les messages qui reviennent et que tu veux faire passer à travers ta musique ?
C’est quand même une route vers la lumière. J’ai toujours eu cette dichotomie entre sombre et lumière, les 2 facettes de ce que je peux être. J’ai fait le double projet La nuit nous va si bien qui était sombre où je parlais de la complaisance dans la tristesse et il y avait aussi tout ce truc de passage vers la clarté. En réalité, ce sont plutôt des messages d’espoir. En fait je parle de moi et du fait qu’il y a plein de manières d’être triste et c’est ok.
Il y a plein de manières d’être heureux et c’est ok. Je ne passe pas de messages en particulier mais je montre la vie à travers ma vie.
Comment moi je vois la vie et comment des gens autour de moi peuvent voir la vie. Parfois tu peux aimer des gens sans qu’ils t’aiment en retour, parfois tu peux aimer un jour et ne pas aimer le lendemain. Juste la vie est faite comme ça et j’explique comment je vois ma vie.
Je raconte une histoire qui est très personnelle mais j’espère qu’elle peut être universelle et que d’autres gens se retrouvent dans ce que je suis. J’essaie juste d’être une possibilité parmi l’ensemble des possibilités des êtres humains. Je montre des situations qui sont comme elles sont et c’est ok.
Est-ce une volonté que les gens se reconnaissent dans ce que tu dis ?
En fait, ce n’est pas que je veux que les gens se reconnaissent, c’est plutôt je suis sûr et certain qu’il y a des gens qui vivent la même réalité que la mienne. En vrai, moi en tant que personne avec le conditionnement que j’ai donc un mec de tel âge, de tel coin qui a grandi en France, à moitié de Guadeloupe ou autre, il y en a tellement.
Une personne qui a une dualité entre la France et un autre pays et qui a grandit dans le même environnement que le mien. Il vit quasiment la même réalité que la mienne. On est très nombreux à vivre cette réalité-là de dualité entre deux cultures.
Je ne cherche pas à ce que les gens se reconnaissent, c’est plutôt le message suivant “les gars nous n’êtes pas tous seuls”. Moi je suis comme ça et je suis sûr qu’il y en a d’autres comme moi.
Aujourd’hui, tu es signé chez Sony. Depuis combien de temps ?
Depuis octobre, je suis signé chez Columbia Records. Et Triple Double, c’est le label avec lequel on a une co-production.
Quel impact a eu cette signature pour toi ?
Le fait d’être signé pour un artiste c’est toujours un step. Tu as toujours ce truc de ok c’est fait. Donc forcément c’est cool parce que tu te dis ok maintenant je suis réellement un pro, et je suis un pro dans le monde des pro. J’ai la chance de faire une musique assez hybride pour qu’on ne touche pas trop à ma création. Le mythe de tu seras signé donc ils vont te demander de modifier des choses en vrai non. Il y a des compromis à trouver parce que souvent tu n’es pas tout seul à réfléchir, tu as une image qui appartient en réalité à la co-production. Tu as des nouveaux process et une autre manière de faire et j’apprends. Je t’avoue que c’est un peu tôt pour dire j’aime ou je n’aime pas. Pour l’instant, ça m’apporte des moyens en plus. Pour le coup, c’est une expérience qui est à vivre.
Il y a plein de gens qui font de la musique toute leur vie et qui voudraient être signés en major et moi ça m’est arrivé assez tôt par rapport à mon développement. Je trouve ça cool et c’est un achèvement. Si j’ai été signé, c’est aussi parce que je fais quelque chose qui a de la valeur.
Avant d’être signé, tu avais déjà ton propre label ?
J’ai un studio que j’ai monté, j’ai toujours bossé avec Triple Double, le label avec lequel je suis avec qui on a fait les co-prod. Donc j’ai toujours été entouré et même avant de m’entourer je me suis toujours beaucoup renseigné depuis Le Street, le collectif que j’ai fait. J’ai toujours capté un peu ce qui se passait donc je ne vois pas les labels avec des étoiles dans les yeux. Pour autant, je sais que c’est une grosse opportunité mais c’est un moyen pas une fin. Ça me donne les moyens d’aller au bout de ma créativité et de rêver un peu plus. Avant j’étais tributaire de la disponibilité des uns et des autres, maintenant je peux m’entourer.
Tu as conservé la même équipe avant et après la signature ?
J’ai conservé les mêmes personnes avant et après la signature à savoir mon graphiste, mon ingé son et réal et les personnes qui font les visuels. Donc j’ai exactement la même équipe qu’avant mais j’ai maintenant d’autres personnes qui se sont ajoutées dans la boucle, des RP etc mais comme j’ai mon label Triple Double avec qui j’ai signé avant et avec lequel on fait la co-production, on conserve en grande majorité les mêmes interlocuteurs.
On va un peu plus parler de l’EP, comment décrirais-tu l’atmosphère de cet EP ?
C’est une espèce de petite bulle d’intimité. C’est un peu nostalgique, en même temps il y a de l’espoir. Ce n’est pas vraiment triste, juste un pied dans la réalité qui renvoie à l’idée que les relations ça va et ça vient.
C’est vraiment une petite psychanalyse, un voyage personnel. Même si ça a l’air un peu triste, j’arrive à une fin qui est plutôt cool.
Pour te pitcher le projet, l’EP Demain aura le goût d’hier est un projet où je raconte ma rencontre avec une fille il y a 2 ans et à partir du moment où je me suis attaché, elle a commencé à partir. Je me suis dit que je fonctionnais avec des patterns un peu chelou. C’est-à-dire que si elle n’est plus intéressée c’est là que je m’accroche et ça n’a pas de sens et je me suis dit qu’il fallait stopper ces patterns là. Ceux sont des trucs qui sont malsains et toxiques. J’ai commencé à me plonger dans mes différentes relations et dans ma manière de faire les choses et je me suis dit là ça va et là ça ne va pas.
Je me suis dit je vais raconter cette histoire comme si c’était une histoire avec une personne et montrer un peu toutes ces étapes par lesquelles je suis passée et les réflexions que j’ai eu.
Au début, je démarre par SOS qui montre que le fait de rencontrer une fille c’est cool mais en vrai plus tu avances et plus elle prend de la distance. Et donc ça démarre l’histoire et à la fin tu as les fantômes où tu te dis maintenant je suis résigné et je capte qu’en réalité ça ne marchera pas et ce n’est pas grave. Tous les défauts et tous les fantômes du passé, je regarde en arrière et je les vois avec de la distance et avec le cœur léger.
Ce projet c’est de la nostalgie mais en même temps c’est beau, il y a plein de moments cool où je m’ouvre. Je fais souvent des trucs un peu dansants tristes. Pour moi, l’image que j’ai du projet et de ma discographie c’est un couché de soleil une nuit d’été.
J’ai vécu beaucoup de relations de façon différente, je pensais que le problème venait des autres mais en fait ça venait beaucoup de moi qui font que j’allais à la recherche de trucs qui ne m’allaient pas et j’étais dans un truc de “fuis moi je te suis et suis moi je te fuis”. Chaque relation s’est bien finie, mais elles m’ont toutes permises d’apprendre.
Je me suis posé sur le rapport que j’ai avec moi-même et je me suis interrogé sur ce qu’il allait et ce qui n’allait pas.
On sent de la mélancolie dans cet EP.
Toujours, en fait c’est super dur d’écrire sur un truc joyeux. C’est très difficile de faire de la musique joyeuse parce que ça touche moins.
Même quand c’est joyeux, il y a toujours ce truc de c’est joyeux parce que j’étais dans le mal avant. C’est le changement d’état qui est intéressant.
J’ai dû mal à écrire quand je suis dans le mal de ouf mais généralement j’écris bien soit quand je sens que je tombe dans le mal ou que je sors de ce truc là et que je vois ça avec du recul.
Il y a toujours de la mélancolie car creuser en soi est un travail qui est dur. C’est compliqué de retirer 25 ans de conditionnement donc tu fais en sorte d’être de mieux en mieux avec toi, de limiter les trucs auto-destructeurs que tu as en toi donc forcément il y a de la mélancolie car c’est aller dans des trucs un peu deep.
Pour autant, ce n’est pas un truc trop triste car je ne veux pas me complaire dans cette tristesse. Il y a une volonté d’aller vers le mieux. Tous mes projets, c’est ce passage vers la lumière.
Dans le titre Pardonne-moi, il y a une volonté chez toi de te faire pardonner, auprès de qui ? Pourquoi ?
Pendant un moment, j’ai scindé ça en deux parties, il y a Pardonne-moi et Moi. Je pensais au début que le problème venait un peu des autres. En vrai je m’excusais un peu auprès des autres. Et puis j’ai réalisé que c’est à moi-même que je devais demander pardon de ne pas prendre du temps pour moi, de chercher dans des relations ce que je devrais trouver en moi. Il y a plein de patterns que je fais, puis il y a un déclic puis j’avance dans cette histoire, je me rend compte qu’en fait le problème ce n’est pas elle mais c’est en moi que je dois le trouver.
J’essaie de me soigner, je vais dans des réflexions où je me demande comment se fait-il que même quand tu es au max de toi-même, tu donnes la meilleure version de toi-même, les gens ne te le rendent pas. Je me dis qu’il y a un truc à creuser en moi, je regarde les fantômes du passé et je dis ciao.
Il y a une double lecture, tu as l’impression que je raconte une histoire amoureuse mais en réalité je raconte mon truc à moi et le trajet que j’ai en moi.
©Noémie Lacote
Dans Fantômes, tu dis “le matin je me bats contre le moi minable, le soir je me bats contre le moi animal”. Tu peux nous expliquer cette phrase ?
Minable ça renvoie à l’idée que je ne suis pas du matin. Le moi animal c’est le soir tu te bourre la gueule tu fais n’importe quoi. C’est plutôt ce truc de maintenant on est des adultes et ne pas se lever le matin, se bourrer la gueule et ne pas assumer le lendemain c’est un comportement d’enfant.
Je ne suis plus comme ce gosse du passé, je suis capable de me lever le matin, je suis capable de sortir et boire du Maté pour aller en soirée, discuter avec des gens. Je ne suis pas réduit à l’image du gros fêtard que j’avais de moi-même plus jeune.
Même si je suis dans la création, je m’impose une auto-discipline car il faut être en phase avec le monde.
Dans Tout a changé, tu dis “mais laisse-moi faillir, fuir le danger, tu sais que je t’aime je ne te veux pas de mal”. Pourquoi parles-tu de danger ?
Le danger de tomber amoureux, il y a plein de relations que tu as où en fait tu te mets dedans parce que la personne te plait un peu mais tu ne veux pas aller jusqu’au bout du truc. Le danger est que tu sais que tu vas te mettre dedans et que tune vas pas pouvoir assumer ou que tu vas être dans un truc trop fort émotionnellement.
Donc le message c’est “laisse-moi fuir le danger”.
Dans Antidote tu dis “quelle aubaine, minuit pile et toujours alerte, 28 balais j’ai le regard qui crie à l’aide”.
Il y a une période où je sortais beaucoup. Je kiffais être dans des états hyper seconds. Je suis quelqu’un qui a un comportement addict pas à des substances mais quand j’aime, j’aime très fort. Je vais créer je vais le faire jusqu’à épuisement donc j’ai des comportements un peu extrêmes.
J’étais dans un groupe où on était tous la même typologie de personnes, des gros fêtards. On ne s’est pas tiré vers le haut.
Je n’ai pas besoin de chercher à me déconnecter l’esprit, creuse en toi, arrête de masquer ce truc en te mettant des caisses et en pensant que tu vivras mieux comme ça. Je me suis dit lève-toi, va faire du sport et prends ta vie en main.
Ce truc je l’ai écrit il y a deux ans et je trouvais ça fort. Se dire qu’il faut être dans un état second pour créer, c’est une grosse connerie. Le fétichisme de l’artiste torturé et détruit qui a des fulgurances c’est n’importe quoi. Est-ce que tu ne préfères pas à un gars comme Tyler, The Creator ou un Kendrick Lamar qui a l’air complètement sain d’esprit et de corps ?
Je me suis dit qu’il fallait que j’arrête d’être dans l’auto-destruction et dans la complaisance dans la tristesse. J’étais à l’aise dans la tristesse parce que ça n’impactait que moi et ça me donnait le contrôle sur ma propre vie. Et ensuite je me suis dit que le contrôle était plus dur à chercher quand il venait de l’extérieur. Je me suis dit, lève-toi et travaille. Je n’ai jamais été un mec qui lézarde mais je me suis dit apporte-toi de la discipline mentale et émotionnelle et ne sois pas plus dans la sur-projection.
Avant j’étais dans le mumble rap parce que je masquais ce que je voulais dire réellement. Ce que je disais était trop fort en sens pour moi donc j’avais besoin de le masquer.
Aujourd’hui je dis des choses claires et j’assume ce que je dis.
Peux-tu nous raconter l’histoire de la cover ?
Je voulais un triptyque de photos ou quand on collait les photos ça donnait une cover. On voulait faire un côté noir et blanc parce que c’est plus fort. J’en ai parlé avec mon graphiste. Au final le côté photobooth je kiffe parce que je trouve que ça fait nostalgique et intemporel. Il y a une touche de couleur donc un truc intemporel mais dans la réalité présente.
Quel est ton morceau préféré de ce projet ?
Je vais t’en dire plusieurs pour des raisons différentes. Combien ça coûte c’est celui qui va le plus tout droit, c’est le logique j’ai beaucoup aimé l’écrire. Entre Les fantômes et Pardonne-moi qui sont les morceaux les plus sincères. Pour autant, Dimanche d’automne est celui qui est le plus en phase avec la direction musicale que je veux avoir. Il y a ce truc un peu électronique, l’amapiano mais en même temps des sonorités hyper douces et mélodiques, on dirait une musique d’ascenseur le piano.
Je suis très fière de ce projet parce que j’ai vraiment fait tout ce que je voulais.
Si je dois dire le titre qui me touche le plus, je dirais Les Fantômes.
Quel est le morceau que tu as préféré créer ?
Le plus stylé je trouve que c’est l’interlude. C’est un peu du gospel. C’est un frère et une sœur qui l’ont fait, c’est vraiment trop stylé. Ils ont fait 20 voix, tu as l’impression d’avoir un chœur énorme devant toi. Il y a un batteur qui a fait une drum. En termes de création, c’est trop stylé.
Quelle sera la couleur du prochain projet ?
Un truc Uptempo un peu plus bagarre. Je pense qu’il y aura toujours un peu de ça parce que je ne vais pas faire un 180 pour autant un peu plus rapide, un peu plus impactant, un peu plus bagarre et très percussif.
Je veux que les 10 premières secondes, les gens dansent déjà. Je suis prêt à tourner cette page et là je veux un truc plus ouvert parce que je suis dans un mood plus ouvert. J’ai envie de faire danser les gens.
J’ai la volonté que ma musique puisse toucher le plus de monde possible.
C’est pour quand le prochain projet ?
Entre cette année et l’année prochaine.
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?
Beaucoup de courage pour garder le cap car ce n’est pas facile, beaucoup de streams et beaucoup d’énergie pour que je puisse continuer à créer parce que c’est éprouvant quand tu rentres vraiment dans la production.
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