En août dernier, les fans d’Oasis attendaient fébrilement l’ouverture des ventes pour la tournée de reformation du groupe.
Mais en quelques minutes, l’excitation a laissé place à l’indignation : les prix des billets ont explosé sous leurs yeux.
Des places initialement affichées à 150 livres sont montées à 500 livres, parfois plus.
Un véritable ascenseur tarifaire qui a déclenché une vague de colère sur les réseaux sociaux et relancé le débat sur l’éthique des stratégies commerciales appliquées à la billetterie.
Derrière cette flambée des prix, une stratégie qui fait son apparition au début des années 2000: la tarification dynamique, ou yield management. Cette méthode, popularisée par l’aérien et l’hôtellerie, repose sur la loi de l’offre et de la demande : plus la demande est forte, plus le prix augmente. Un système pourtant légal, mais qui pose de sérieuses questions sur l’accès à la culture.
Du transport à la billetterie : la culture doit-elle être soumise aux mêmes règles que le luxe ?
Le yield management est une pratique logique dans l’hôtellerie et l’aérien. Dans ces secteurs, l’offre est limitée, les coûts fixes sont élevés et l’objectif est de maximiser la rentabilité en ajustant les prix en temps réel. Un vol Paris-New York ou une nuit dans un hôtel 5 étoiles sont des prestations de luxe, où la variation des prix est acceptée comme une norme commerciale.
Mais un billet de concert doit-il être géré comme un billet d’avion ?
Dans le cas des spectacles, l’expérience artistique est censée être un bien culturel accessible au plus grand nombre. La culture ne devrait pas être traitée comme un produit spéculatif dont le prix varie en fonction de la demande. Pourtant, en appliquant ces stratégies, on transforme la culture en un produit de luxe, accessible seulement à ceux qui peuvent suivre la hausse des prix.
Des artistes comme Robert Smith du groupe The Cure et Nicola Sirkis d’Indochine ont déjà dénoncé cette pratique, refusant d’y avoir recours pour préserver l’accès de leurs fans à leurs concerts. D’autres, contraints de travailler avec des plateformes comme Ticketmaster, n’ont pas forcément leur mot à dire.
….des voix s’élèvent pour demander une régulation de la tarification dynamique dans le secteur de la billetterie.
Le marché français : une diversité d’acteurs
Selon une étude menée par le PRODISS (Syndicat national du spectacle musical et de variété) en collaboration avec PMP Strategy, les prix des billets de concerts en France ont connu une évolution notable entre 2019 et 2023.
Cette analyse révèle que, bien que les prix des billets en salles aient généralement augmenté à un rythme inférieur à l’inflation cumulée sur la période (+13,6%), certaines catégories, notamment les concerts à très grande jauge (zéniths, arénas, stades), ont enregistré des hausses supérieures à l’inflation, surtout pour les tarifs les plus élevés. Cette augmentation s’est principalement concentrée entre 2022 et 2023, après une période de stabilité de 2019 à 2022.
Le phénomène touche particulièrement certains genres musicaux. Selon le Centre National de la Musique (CNM) , le rap est un exemple frappant : bien qu’il soit l’un des derniers genres en nombre de représentations payantes, il génère la troisième plus forte fréquentation et recettes de billetterie, avec un prix moyen de 42€ par billet.
Aux États-Unis, où Ticketmaster domine le marché avec une position quasi- monopolistique, les consommateurs n’ont d’autre choix que d’accepter ces hausses. En France, la présence d’une diversité d’acteurs comme France Billet (Fnac, Darty), TicketMaster (Live Nation), See Tickets (Vivendi) et Veepee freine encore le phénomène, mais pour combien de temps ?
Face à l’indignation des consommateurs, des voix s’élèvent pour demander une régulation de la tarification dynamique dans le secteur de la billetterie. Des propositions de lois visant à interdire cette pratique ont été évoquées, notamment en Irlande , où le fiasco des billets pour le concert d’Oasis a relancé le débat sur la nécessité d’une législation pour protéger les consommateurs.
[1] Rapport CNM, chiffres 2023 de la diffusion de spectacles de musique et de variétés dont un focus sur les festivals
[1]https://www.thesun.ie/news/13771163/oasis-ticket-fiasco-businesses-fair
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