ROADTRIP #2 : Escale au Maroc avec ElGrandeToto
Rédigé par Julien D.
On continue notre voyage hors de nos frontières en conservant un lien avec le Maroc puisque nous partons cette semaine à la rencontre d’ElGrandeToto.
L’artiste est une véritable superstar sur ses terres et reste l’emblème d’une scène rap marocaine en pleine ascension.
Sa carrière a débuté en 2016 sous les meilleurs auspices puisqu’il a très vite eu l’occasion de signer au sein de PurpleMoney, label de Lartiste, avant de voir plus grand aux côtés de sa manager Anissa Jalab.
L’aventure « Caméléon », un premier album aux sonorités
Anissa, forte de plusieurs années à manager la carrière de Damso, lui permettra de rêver à de nouveaux horizons et c’est d’ailleurs grâce à elle que Toto finira par obtenir un feat inespéré avec la tête d’affiche belge pour son premier album, Caméléon.
L’album en question était envisagé comme l’une des premières étapes marquantes de la carrière déjà bien lancée d’ElGrandeToto. Kore canalisera cet enthousiasme en rationnalisant l’approche : la crise sanitaire a évidemment adouci les ardeurs, mais il a aussi fallu découvrir une facette de l’industrie que le marocain ne connaissait pas jusqu’ici. Goûter au succès, c’est aussi devoir prendre le temps de bien faire les choses en validant les formalités et en passant par exemple par la case promo. Mais bien au-delà, c’est au décès de sa mère que Toto devra faire face pendant cette période, délaissant un temps l’artiste pour laisser de la place au deuil de l’homme.
Caméléon sort finalement en mars 2021, porté par le sincère « Mghayer » rendant hommage à sa mère. Cet album se dévoile comme une carte de visite de très bonne facture qui concrétise les aspirations et inspirations du natif de Casablanca. En effet, si ElGrandeToto s’est lancé dans le rap, c’est avant tout pour développer sa folie sous une multitude de formes et casser les codes. Son expérience très diversifiée d’auditeur lui permet d’explorer intuitivement plusieurs ambiances tout au long de l’album, ce qui se traduit aussi sous un angle linguistique : on notera l’utilisation ponctuelle et libre de l’italien, l’espagnol, le français ou l’anglais.
Fièrement revendiquée par Toto, cette curiosité pour les langues (facilitée par des échanges avec une famille installée un peu partout sur le globe, sa mère étant elle-même grenobloise) lui ouvrira de nombreuses portes hors du Maroc. L’artiste est conscient de l’impact qu’il peut avoir en disséminant des références accessibles à ses auditeurs, qu’ils viennent d’un pays ou d’un autre. Pour aller jusqu’au bout de la démarche d’ouverture, cet album compte 6 feats issus de divers coins du monde, dont les emblématiques Damso et Hamza, mais aussi Lefa, premier contact avec une scène française qui deviendra par la suite très friande de sa musique.
ElGrandeToto, un habitué des collaborations européennes
Premier contact ? Pas vraiment : notre Soso Maness national avait déjà eu la bonne idée d’inviter Toto lors d’une soirée du Planète rap réalisé pour la sortie de Mistral, et si l’on creuse plus loin, on pourra tomber sur le feat La Cité conçu en 2018 avec un artiste français qui a lui aussi la bougeotte : AM La Scampia.
Les rêves de collaboration se concrétisent donc peu à peu pour le marocain, qui repense forcément aux années passées à écouter Ärsenik, Lunatic et le Saïan Supa Crew dans sa jeunesse. La capacité de cet ancien danseur à collaborer avec d’autres artistes paraît innée : une passion pour la musique et des qualités humaines indéniables, mais aussi une voix emblématique et une image débridée et assumée définissent peu à peu les contours d’un charisme identifiable au-delà de toute frontière.
Outre un passage discret dans le programme High et fines herbes, ElGrandeToto a largement gagné en popularité auprès des artistes français au cours des dernières années et sa productivité au cours de l’année 2023 en témoigne. Sa grande versatilité musicale rend sa présence toujours surprenante sur les morceaux d’autres artistes, qui ne l’appellent pas simplement pour apporter une touche orientale cliché et réductrice à leur titre, mais qui viennent chercher un peu de la folie de Toto. Le mélange est par exemple très convaincant sur Tony Montana, réalisé pour le dernier album de Kofs, où deux voix puissantes martèlent une prod percutante.
Le marocain n’hésite pas à explorer différentes atmosphères en collaborant avec des artistes aux univers variés : il n’était pas très surprenant de le voir aux côtés d’un Demi Portion lui-même plutôt ouvert à d’autres horizons, mais des feat avec Ashe 22, Fresh La Douille, ou même Sazamyzy très récemment étaient moins prévisibles. Pour rester dans le contexte vacancier propre à notre rubrique, on peut difficilement ignorer la pépite Niya figurant sur Intégral 2 de Nahir, qui se propose comme la bande son parfaite d’un mois d’août plombé par le soleil.
Mais la dernière grosse collaboration en date pour la star marocaine, c’est évidemment Qui Sait, fruit d’une très belle rencontre avec l’autoproclamé taulier Niro. Malgré son ancienneté et le prestige de sa carrière, le blésois a pris une claque en foulant le sol marocain aux côtés de Toto, comme il l’explique en interview pour Booska-P.
« C’est un putain d’artiste, une rockstar. Quand il marche au Maroc (…) c’est incroyable comment ils sont concentrés autour de lui. »
La rencontre des deux artistes a été facilitée par le lien existant déjà entre le frère d’ElGrandeToto et Niro. On ressent l’alchimie aussi bien dans le son que dans le visuel mettant en lumière différents coins du Maroc, une terre évidemment chère à nos deux artistes. Sur l’aspect purement musical, Niro a vu en Toto un véritable passionné et c’est sûrement le perfectionnisme commun au binôme qui a permis une collaboration d’une telle qualité.
Jusqu’au-boutiste, Toto tient particulièrement à honorer sa culture et à lui donner une place de choix au milieu de ses multiples influences. Ça se traduit surtout par l’utilisation majoritaire de la langue arabe, mais aussi par des parti pris plus subtils : « On voulait vraiment poser une identité marocaine dans les flows ou les instrus : on a intégré des trucs rebeus genre du derbouka dans les compositions. On s’est basés sur le nom de l’album en développant différents univers musicaux, tout en restant cohérent », confiait le rappeur à la sortie de Caméléon. Un choix sincère et payant, puisqu’ElGrandeToto est régulièrement l’artiste le plus streamé de la région MENA (Moyen Orient Afrique du Nord).
Avec de telles convictions, on ne peut que promettre une grande carrière à Toto, en espérant pouvoir continuer à découvrir de belles collaborations avec des artistes de tous horizons. En attendant, on pourra se satisfaire d’un lien renforcé avec l’hexagone puisque le marocain va prochainement entamer une tournée en France, avec un Olympia en point d’orgue.
Souhaitons-lui que le succès croissant qu’il rencontre lui ouvre un jour les portes à son feat rêvé : SCH.
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