Rédigée par Eline H. / Mise en page par David D. Temps de lecture 16 mn.

Rappeur originaire de Seine-et-Marne, Josué baigne dans la musique depuis bien longtemps. Né dans le rap de rue et passé par le label Palace Prod, où il a professionnalisé sa musique, il entame aujourd’hui un nouveau chapitre : celui de l’indépendance.

Bien décidé à prendre le contrôle de son art et à (se) prouver qu’il peut tout faire par lui-même, il vient de sortir un nouveau projet en ce début d’année. À l’occasion de cette sortie, nous sommes revenus ensemble sur son parcours, de ses débuts dans le rap à sa quête de liberté qui transpire dans ses derniers morceaux, sur son amour pour la mode et sur sa vision actuelle du rap.

DansLaCiudad: : Dans ton dernier single, Ego, tu dis “je travaille sur mon art, gros ça fait tellement d’années” Qu’est-ce qui t’as poussé à te lancer dans le rap et à sortir ton premier morceau Mouvement, en 2018 ?

Josué : En 2018, ce qui m’a vraiment poussé à me lancer c’est le fait de me professionnaliser. Avant je faisais du rap de rue, il n’y avait pas de structure, c’était avec les moyens du bord. Puis en 2018, A2H m’a donné l’opportunité de me professionnaliser, il m’a dit “je te fais un projet si tu es chaud” et j’étais chaud. Avant je faisais du son pour mettre sur youtube et faire kiffer la street, et avec A2H on est rentré dans un délire où il fallait construire des choses. C’était nouveau pour moi.

Tu faisais les choses seul avant 2018 ?

Non, depuis que j’ai commencé la musique je n’ai jamais été seul. J’ai toujours été aidé par des gens. Et c’est la différence avec ce nouveau projet, je suis seul pour la première fois.

Effectivement tu as récemment sorti le morceau Raison en indé. Tu as donc quitté Palace Prod, le label de A2H. Pourquoi ce choix ?

100% indé c’est mieux. J’aime dire qu’ils m’ont appris à faire du vélo et que maintenant je sais faire des roues arrière. J’avais aussi besoin de me prouver que je peux faire les choses par moi-même, parce que je ne l’ai jamais réellement fait. Depuis que je suis petit, les gens ont décelé un certain talent chez moi, ce qui fait que je ne paie pas de studio et qu’on me prend assez en charge dans la musique parce qu’ils savent qu’il y a un truc à faire. Mais je n’ai jamais vraiment pu réfléchir par moi-même sur certaines choses, musicalement parlant.

©Marvin Bonheur

Tu es bien entouré depuis le début. C’est plutôt une force ou un frein dans ta quête d’identité musicale ?

Franchement, c’est handicapant d’avoir un entourage très tôt. Je trouve que c’est important pour un artiste d’être un peu livré à lui-même, de faire ses choix, de se connaître, de se créer son identité propre. C’est important pour la confiance en soi. Être entouré très tôt m’a frustré, ça m’a renfermé et c’est un peu pour ça qu’il y a une déclinaison de mes projets. De Béni à État d’esprit, tu te rends compte que la personne réfléchit de plus en plus, elle se pose de plus en plus de questions sur qui elle est vraiment et sur ce qu’elle ressent. Au final, quand tu es trop entouré, tu n’as pas le temps de réfléchir, tout le monde pense pour toi, tout le monde fait les choses pour toi. Mes projets font ressortir cette quête de liberté, d’émancipation.

 

« Je n’ai pas misé sur la quantité, mais plus sur la qualité..»

Tu as mis du temps avant de sortir ton premier long projet, Béni. Plus de trois ans après Mouvement. Pourquoi avoir pris ce temps ? La peur ? Le perfectionnement ? 

Oui on est une team très perfectionniste, je suis quelqu’un de très relou avec ma musique, on se pose énormément de questions. Mais ça prend du temps pour faire des choses quali, et je pense avoir fait pas mal de choses quali depuis que je suis là. Je n’ai pas misé sur la quantité, mais plus sur la qualité. Mais c’est aussi la vie qui a voulu ça, ce n’était pas calculé. Quand on a commencé, on a balancé un premier EP, Carte de visite, puis quelques singles. Après j’ai été en tournée, et ça ralentit un peu dans le processus créatif, avec les concerts on crée moins, donc j’ai aussi pris mon temps pour sortir mon premier album, Confessions.

Tu as eu une entrevue avec Kombini l’année dernière dans laquelle tu as dis qu’avec Confessions tu as eu “l’impression de conclure un bail”, et j’ai remarqué que cela se reflétait dans tes covers : sur Béni et Confessions, ce n’est pas une photo de toi en visuel, pour l’une c’est une peinture et pour l’autre du 3D.

Ensuite tu es revenu avec #MaisOùEstJosué, avec une photo en cover.

C’était calculé ? Justement pour montrer que tu as conclu un bail ?

C’était calculé. Le problème, c’est qu’on a sorti pas mal de sons, mais les morceaux sont plus connus que moi. J’avais cette frustration d’être connu mais pas reconnu. Donc maintenant je veux qu’on voit ma tête, qu’on m’identifie, donc on va mettre des photos de moi. Depuis, on est dans quelque chose d’un peu narcissique.

©Virginie Chérie

Cet EP #MaisOùEstJosué a été entièrement produit par Clyde Bessi. Comment vous êtes-vous rencontrés ?

C’est A2H qui me l’a présenté. Il avait un petit groupe de beatmaker avec qui il faisait des prods, et il nous a mis en binôme. On a bien matché, il y a une alchimie qui s’est créée et le public a bien aimé aussi. État d’esprit a été entièrement produit par lui aussi. Je trouve qu’il arrive à rendre mes textes plus forts, et je pense qu’on va le revoir très bientôt.

Dans ce projet État d’esprit, la première phase que tu dis c’est “il faut que je passe à autre chose”. Musicalement ? Professionnellement ?

C’était un tout. Avec #MaisOùEstJosué il y a eu la polémique liée à Nouvelle École, et déjà à ce moment-là je ne m’entendais plus avec le label sur certains points. Je commençais déjà à cogiter, et ils m’ont laissé cogiter, ils ne m’ont pas freiné dans ma créativité. Et la conclusion de tout ça c’était qu’il fallait que je passe à autre chose.

Donc ce projet c’est une sorte de transition ?

Exactement. Si tu me connais un peu, tu vas comprendre qu’avec cet EP je suis en train de réfléchir à fond, qu’il faut que je fasse un choix. Quand tu finis d’écouter Etat d’esprit, tu te demandes ce que je vais faire : soit je reste dans cet état dans lequel je me plains, soit je vais vers un nouveau départ.

J’ai ressenti effectivement beaucoup de remise en question dans ce projet, et des leçons de vie aussi. C’est le message que tu souhaites apporter dans ta musique ?

Totalement. Il faut réfléchir en voix de tête. Sur ce projet il y a énormément de réflexions, de questionnements, de doutes, et ça se ressent comme tu l’as dit. J’avais besoin de communiquer avec mon public et j’avais peur de la façon dont il allait se le prendre car c’est un peu triste. Mais mon public l’a bien pris, et c’est kiffant de voir que ma vulnérabilité est bien accueillie.

Ta musique c’est finalement un peu ta thérapie ? Dans Fils de, tu dis “Dehors je ne parle plus, il y a que dans mes sons que je me confesse”.

Mon entourage me dit souvent que je réfléchis trop. Et la musique fait maintenant partie de ma vie, je me lève et je dors musique. Donc le seul moyen de bien vivre ma journée est de réfléchir en musique. J’essaie de me poser des questions, et souvent dans mes sons je dis des choses pour me piquer moi-même. 

©Virginie Chérie

Quels sont tes morceaux préférés de ta discographie ?

Pas changé, Mauvais, Théorie, Maintenant je capte, Raison.

«Nouvelle année, nouveau projet, nouvelle mentalité…»

Depuis le mois de septembre tu as sorti plusieurs singles.

Quel est l’objectif ? Revenir au compte-gouttes pour ensuite balancer un gros projet ?

Exactement, tu as capté.

Après État d’esprit, on a décidé de clôturer à l’amiable avec le label, ils ont été super cool. Ensuite j’ai été bloqué 6 mois pour faire vivre ce dernier projet, l’exclusivité, et j’étais très frustré de ne pas sortir de musique. Au mois de septembre j’ai eu la libération. Je pouvais sortir de la musique et j’ai couru pour sortir Raison. Ça m’a fait kiffer de sortir du son en étant indépendant, de voir les premiers retours, donc on a continué. Je voulais juste balancer de la musique à mon public pour leur dire que j’étais de retour, que je faisais du son. Maintenant j’ai fini de m’amuser. On arrive en janvier avec un très gros projet, un peu plus sérieux. Le tout premier en indé, c’est un peu nouveau pour moi.

Nouvelle année, nouveau projet, nouvelle mentalité. Tout est nouveau, mais j’ai déjà balancé trois beaux sons. Ça m’a fait du bien de revenir après 6 mois, de voir qu’il y a les acteurs de la culture, comme les marques de vêtements, qui m’aident, qui me poussent. J’ai fait une collaboration avec Snipes sur le morceau Flow, Citadium m’a poussé pour la sortie de Raison. Ça me donne de la force, et le public était là derrière moi.

D’ailleurs dans le morceau Flow tu dis que “[tu] donnes de l’amour qu’aux sappes”. Tu as un lien fort avec la mode. Comment ça a débuté.

La musique et les sappes, c’est une base chez les congolais. Même si tu n’as pas d’argent, il faut que tu sois bien habillé, bien coiffé. J’ai ce truc pour la sappe depuis que je suis enfant. Puis petit à petit j’ai poussé là dedans, et il s’avère que les marques m’aimaient bien. Ça m’a permis de matcher avec Asics, Salomon, New Balance, et j’en passe. Ça fait plaisir, je suis très reconnaissant. Mais je trouve aussi que la mode, ça fait partie du milieu. Aujourd’hui, le rap ce n’est pas que le rap. C’est de l’art, un échange et un partage qu’on doit tous avoir. C’est ça qui rend le truc beau. 

Tu pourrais faire carrière dans la mode ? Si tu devais te reconvertir.

Si la vie décide que je ne dois plus faire de son, oui j’aimerais bien taffer avec une marque. Ou alors bosser dans le marketing en maison de disque, faire la liaison entre les artistes et les marques.

Dans Chic & Rebelle tu dis “j’ai sorti ma plus belle ste-vé pour l’occasion”. Quelle est ta plus belle veste ?

Actuellement il fait froid, ma plus belle veste c’est K-Way ©. J’aime beaucoup ce qu’il propose. CP Company © également.

©Marvin Bonheur

Que signifie ta gimmick “roh la merde” ? D’où est-ce que ça vient ?

Un jour j’ai balancé un “roh la merde” et ça a pris. Comme je dis en concert, quand il t’arrive quelque chose de bien, tu dis ”roh la merde“ ; quand il t’arrive quelque chose de pas bien, tu dis ”roh la merde”. Ça ne veut pas forcément dire quelque chose, c’est plus une expression. Mais avec le temps j’essaie d’enlever cette expression, car plus je grandis et moins j’ai envie de dire “merde”.

Dans Autre chose tu dis “aujourd’hui je suis focus dans ma quête”, quelle est cette quête ? C’est quoi tes objectifs futurs ?

Ma quête ultime c’est de kiffer ma vie, faire du son, la mode. Tout ce que je suis en train de vivre, j’espère que ça va continuer. Mais je voulais faire du rap et je fais du rap, donc ma quête est déjà presque accomplie. Il me reste encore quelques trophées à avoir, mais pour l’instant je kiffe et ça se passe bien. Mais c’est important d’être focus sur ses objectifs, sur sa quête, de ne pas dévier. 

Tu vas prévoir une tournée avec ce nouveau projet ?

Je n’y ai pas encore réfléchi. Pour l’instant, je suis focus sur la musique à fond. Mais le public me manque. Normalement on a une release à Citadium qui arrive, une à Rennes également. Donc je vais pouvoir revoir et reparler avec mon public, j’ai hâte.

J’ai besoin que tu m’expliques quelques-unes de tes phases. Notamment dans Argent propre, c’est quoi “l’heure du rumsteck” ?

J’aime simplement trop manger. À l’heure où je te parle, j’ai envie de manger. J’ai l’habitude, on m’appelle souvent pour manger. Vive la bouffe.

©Bureau Paule

Dans Mauvais, tu dis “petit j’ai dit que j’avais un piecemaker pour voler la vedette à celui qui l’avait vraiment”. Histoire vraie ?

Histoire réelle de chez réelle. Tu me l’as sorti celle-là (rires). J’étais petit, je n’avais pas forcément la cote à l’école, le foot ce n’était pas mon truc, la bagarre non plus. Un jour dans ma résidence, il y a un mec qui avait un piecemaker et je vois que tout le monde l’aime, est bienveillant avec lui, lui donne des cadeaux.

Du jour au lendemain, je me suis dit que moi aussi je voulais un piecemaker. Donc pendant deux semaines, j’ai eu un piecemaker imaginaire et j’ai kiffé ma vie, j’étais le chouchou. C’est pour ça que j’ai mis cette histoire dans Mauvais, parce que c’est mauvais, mais mignon. C’est une quête d’amour, quand tu es petit tu veux que les gens t’aiment. Mais ne faites pas comme moi.

Je vais écouter le son différemment maintenant ! Dernière phase, dans Autre chose, qu’est-ce que tu as voulu dire par “le rap ça devient l’Ehpad” ?

Ça devient l’Ehpad dans le sens où il y a beaucoup d’assistanat dans le rap aujourd’hui, et je me mets clairement dans le lot. Ça commence à devenir bizarre, chacun à ses traumatismes, ses problèmes. Et ce n’est pas que dans le rap, c’est finalement un peu partout. Mais je ne juge pas l’Ehpad, et j’aime beaucoup ce qui se fait dans le rap en ce moment, le game s’ouvre, chacun fait ce qu’il veut. Ça devient la meilleure musique du monde, tout le monde rappe et c’est une fierté.

Tu écoutes le rap d’aujourd’hui ? Tu as une pépite à me faire découvrir ou un projet à me conseiller ?

Oui j’écoute un peu de tout. Et une pépite à te faire découvrir, je te dirais d’écouter Josué (rires). Dernièrement j’ai kiffé le dernier projet de ScHoolboy Q, en termes de production c’est très fort. Il y a très peu d’artistes français qui me font vibrer, peut-être parce que je fais partie du jeu aussi. Je prends leurs vibes, j’aime beaucoup ce qu’il se fait. Vive le rap. J’adore ce que ça devient, c’est beau et il faut que ça continue, que les artistes s’épanouissent.

Pour clore notre discussion, tu pourrais me donner trois mots pour qualifier ta musique ?

Réfléchie. Spontanée. Audible.

Qu’est-ce que je peux te souhaiter Josué ?
 

Souhaite-moi un bon départ pour ce nouveau départ en indé. J’espère faire kiffer les autres et me faire kiffer avant tout.

Vive la musique et vive l’indépendance.

Derniers Articles

DansLaCiudad