Difficile d’y voir clair quand on cherche à découvrir des artistes émergents sur la scène rap francophone tant l’hexagone regorge de carrières naissantes. Pourtant, s’il en est un qui mérite d’être repéré par tous les radars après une belle année 2023, c’est bien Ben.C.

UNE DECOUVERTE FORTUITE MAIS PROMETTEUSE

C’est dans la fraicheur d’un hiver marseillais que j’ai découvert par pur hasard le rappeur à l’occasion de la venue de Limsa d’Aulnay sur la petite scène du Makeda mi-février. Je m’attendais naïvement à ce que les spectateurs se soient uniquement déplacés pour Limsa, mais la boule d’énergie qui s’est dévoilée pour ouvrir la soirée a complètement balayé mon hypothèse : Ben.C était visiblement déjà bien apprécié par le public local, qui alla jusqu’à reprendre en chœur certains refrains. Mission réussie pour le garçon, sa fougue ayant habilement chauffé le public et titillé ma curiosité.

Et à peine plus d’un mois plus tard, grande surprise : c’est encore lui qui ouvre le bal à l’occasion du Dôme d’Alonzo pour un concert en grande pompe à domicile. Cette fois accompagné de plusieurs comparses estampillés DSF (pour Dirty South Family) tels JMK$ et S Téban, le rappeur originaire du secteur Kalliste assume encore le show malgré une salle comble qu’on devine intimidante pour de jeunes artistes.

En très peu de temps et sans même avoir attendu quoi que ce soit de sa part, Ben.C m’a donc prouvé qu’il sait tenir deux scènes dans des configurations tout à fait différentes. Reste à se pencher sur sa musique, et là encore, l’énergie est palpable.

DES DEBUTS DISCRETS

Pas grand-chose à se mettre sous la dent en début d’année hormis quelques sons à droite-à gauche et un court EP sorti en 2022, des traces sur youtube et une immersion au Parc Kalliste aux côtés de GabMorrison mi-2021 dans lequel on décèle déjà une vision quant à sa carrière. Mais dès mars, la cette dernière prend un petit élan avec la sortie discrète de « Silver Boy » qui fait la part belle aux collaborations et laisse entrevoir l’aptitude caractéristique du marseillais à se connecter à divers artistes : Bu$hi, Decimo et encore l’inévitable compère JMK$ figurent sur l’EP.

On commence ainsi à pouvoir distinguer les qualités récurrentes de l’artiste, qui peut miser sur une voix singulière pour dévoiler des toplines percutantes et un goût pour l’attitude. Quand il ne fredonne pas de mélos (qui sonnent intuitives et naturelles), Ben.C enrichit sa musique de placements variés qui témoignent tant d’une volonté d’amener de la fraîcheur que d’un amour sincère pour le rap (pour preuve, la référence très explicite à l’ouverture de canette millimétrée d’Alpha Wann pour Grunt dès l’intro de l’EP).

Cette impression de facilité, le rappeur la doit certainement à son goût du travail. Car derrière le performeur, on devine aussi que se cache un bosseur acharné – une impression confirmée par les fréquentes séances studio mises en avant par le marseillais sur ses réseaux et l’humilité déjà affichée lors de sa rencontre avec GabMorrison deux ans auparavant.

BLOODY SUMMER, CA SE CONCRETISE

La supposée productivité se matérialise au début de l’été avec la sortie très à-propos de « Bloody summer » et ses 4 titres qui offrent comme annoncé une bande son entraînante et dans le thème pour la saison. Composé à plusieurs mains, l’EP peut compter sur des prods de Jw8l qu’on identifie déjà proche de l’artiste, de 6borg, mais aussi de beatmakers plus identifiés dans le pays tels que Rudynovski, Big Dada et même l’incontournable Flem. Conforme aux coutumes de l’artiste, cette diversité illustre une volonté de puiser l’inspiration partout où elle peut se trouver, mais elle démontre surtout que Ben.C commence à se faire un nom sérieux dans le paysage musical français.

Pour toucher un maximum de curieux, deux des quatre morceaux seront déclinés en clip et l’artiste s’appuiera sur un feat très réussi avec Houdi, l’un des rookies de l’année surfant sur une belle popularité et amenant probablement un certain public vers notre pépite marseillaise.

LA SUITE ?

Il est finalement plutôt difficile de trouver de nouvelles infos sur l’artiste et nous devons nous contenter des actualités essentiellement musicales qu’il nous offre. Cela n’empêche pas un engouement de naître peu à peu, notamment porté par des acteurs crédibles des coulisses de la scène francophone comme Vincent Le Nen, mais aussi par les artistes eux-mêmes.

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En effet, Ben.C a bénéficié d’une exposition supplémentaire bien méritée sur le « Week end à Marseille » de Lujipeka qui synthétise la belle rencontre entre le breton et la culture phocéenne, laissant de nombreux artistes locaux émergents s’illustrer. Plutôt cohérent donc d’associer Ben.C aux belles promesses d’un territoire en constante émulsion créative.

Ce coup de projecteur se prolongera jusqu’au freestyle récemment publié par Raplume accompagnant la sortie du projet, dans lequel Ben.C prendra pas mal de place tant dans l’ambiance et les refrains que par de bons passages de rap. Il est plaisant de voir peu à peu cet artiste gagner en confiance et en popularité, définissant un peu mieux à chaque sortie les contours d’une musique bien dans son époque. Difficile d’être exigeant, souhaitons simplement une entière réussite à cet artiste méritant qui rabâche de plus en plus fréquemment vouloir tout casser dans les mois à venir. On a tout à fait confiance en son potentiel, et l’ascension de Ben.C semble prête à s’accentuer en 2024.

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