@gabin_pires & @elliot.ars

Rédigé par Julien D. / Mise en page par David D.

ADVM

JEUNE, SOMBRE ET BRILLANT

Perpétuellement en train de jauger la concurrence qui l’entoure, ADVM n’a pas l’air préoccupé par le niveau de ses pairs – sa propre vie, en pleine métamorphose, est en revanche bien plus pesante.

Il attaque cet EP avec son arrogance caractéristique mais dévoile peu à peu un revers très introspectif, cachant ses émotions derrière une enveloppe électrique.

Plongée tourbillonnante dans .DEMAIN C’EST MIEUX. , son dernier projet.

@gabin_pires & @elliot.ars

Panache et certitudes

Fort de pas mal de projets en quelques années d’exercice, le jeune ADVM goûte à une notoriété plus particulière depuis plusieurs mois en surfant sur le succès du titre « .pk tu pleures ? ».

Une track inclassable et perturbante qui met les deux pieds dans le plat et attire la lumière sur l’univers difficile à cerner d’un artiste qui entre tout juste dans la vingtaine. Mais si sa mélancolie robotique presque geignarde l’a aidé à se faire connaître, ADVM n’en demeure pas moins un bon découpeur qui a fait ses preuves dans un simple cadre voix-texte-micro.

Pas étonnant, donc, qu’il soit soutenu par quelques noms d’une nouvelle génération de leaders d’opinions (créateurs de contenu sur YouTube notamment) et qu’un public déjà conquis l’ait élu dans les rookies à suivre de l’émission Le Code d’Apple Music.
« Le rap en 2024 c’est plus qu’un temps d’trêve, donc j’arrive en mode j’entre en guerre/ Salut, c’est moi l’rookie qu’entraîne les anciens à rester dans l’game » : voilà le postulat limpide d’un garçon qui veut tout déchirer. Assumée dès le premier titre de l’EP, cette étiquette n’est finalement pas nouvelle pour ADVM qui assure plus loin « Ça fait six ans qu’j’suis l’rookie d’l’année ».
Cette affirmation témoigne de la confiance en son talent artistique, qu’on devine tout au long du projet dans sa hargne et son envie de rapper.

On ressent très rapidement que cet artiste a des choses à dire et des choses à prouver – à tel point que son statut vis-à-vis du milieu rap et de l’industrie semble continuellement lui occuper l’esprit. Désireux de se distancer des modes, il refuse le formatage et ne manque jamais une occasion de le rappeler : « Faire un classique c’est facile, faut juste dire tout ce qu’ils veulent entendre ». Car visiblement, notre protagoniste du jour en a gros sur la patate quand il regarde les carrières se former dans le paysage français, assénant de virulentes phases comme « J’repense à leur seum qui gangrène et leurs tapes à 10000 streams » ou « Avant même l’époque où le talent vendait et que les sons étaient pas formatés pour finir en tendance des charts / Merci TikTok pour les carrières courtes, de ceux qu’on parlera dans six mois comme des anciens memes ».

Son aversion s’étend de la concurrence au système plus globalement, sans épargner les acteurs plus établis – « y’a aucun monde où j’irais sur Skyrock rapper un texte mal écrit comme tous ces mange- merde ».

« La sulfateuse de sortie pour dépouiller le rap français »

@ADVM

Pas de cases, simplement du rap

Simple nihilisme face à une scène rap français un peu vieillissante et poussiéreuse ? Pas tant que ça car, outre le public TikTok qui a déjà encaissé une bonne balle, les symboles plus modernes en prennent aussi pour leur grade. « J’encule la next gen / Tous les articles des médias d’puceaux m’enferment dans cette case, j’ai jamais dit qu’j’kiffais ça ».

Ça tombe plutôt bien puisque du côté de DLC, on a le nez et on a rapidement vu que derrière ses allures d’impertinent, même si ses influences musicales semblent multiples, ADVM est obsédé par le rap hexagonal depuis un paquet d’années. Il s’attache à en respecter les codes et à pointer du doigt les dérives du mainstream omniprésent et les étiquettes facilement apposées sur les artistes. Un respect qu’on retrouve jusque dans ses intentions et sa manière de créer :

« Et je voulais faire un son de 2 minutes pour les streams / Mais je crois que mon écriture a pris le dessus sur mon envie d’être mainstream ».

Plus largement, il ne manque pas de glisser quelques références à certains prédécesseurs (et contemporains) qu’il estime. Avec de supposées clins d’œil à Alpha 5.20 et Népal et des références bien plus explicites à Booba, Jul et Laylow, ADVM avance une belle culture du genre. On notera d’ailleurs que les artistes en question se sont démarqués en faisant avancer l’art ou en bousculant les codes à différentes époques, et doivent être des sources galvanisantes d’inspiration pour un ADVM qui se fie à sa propre vision.
Cependant, les premières phases insolentes et les placements virevoltants de ce passionné de rap laissent rapidement place au véritable propos du projet, la vulnérabilité et le doute.

©nypo.pie

Derrière les rideaux

Le ton de l’EP glisse progressivement vers plus de profondeur et c’est peut-être là qu’ADVM est le plus convaincant.

Après une belle démonstration de ses qualités de rappeur, l’ancien lavallois met sa plume au service de thématiques plus sincères et personnelles qui font sa singularité. On perçoit les tourments d’un jeune artiste dont le succès s’est rapidement accéléré depuis plusieurs mois : derrière la façade artistique, c’est Adam, le jeune homme, qui joue l’équilibriste pour trouver la voie entre sa soif d’une belle carrière et les failles plus terre-à-terre qui complexifient son entrée dans l’âge adulte.

Vie sociale, addictions, plaisirs charnels, amours et passions…

ADVM passe l’intégralité de son existence au crible pour tenter d’expier ses erreurs et ses craintes, et envisager un quotidien plus épuré dans lequel la musique prendra toujours plus de place.

Si ces tourments doivent être étudiés, c’est sur « .DEMAIN C’EST MIEUX. » qu’il faut se pencher, et on parle ici du single dévoilé fin avril qui reprend le titre de l’EP. Un intitulé évocateur d’avenir, pour des paroles bien plus imprégnées d’une nostalgie des débuts, voire de l’« avant carrière ». L’esprit tous azimuts, ADVM se questionne et se projette, conscient qu’il aborde un tournant majeur de sa vie malgré son jeune âge. Le son s’achève sur un extrait de conversation qui scelle la création de l’outro de l’EP, « .ALLUMES LA LUMIERE. », marqué par les mêmes questions existentielles. En dehors du refrain déformé, le son ressemble plus à un exutoire craché précipitamment qu’à une articulation de couplets posés méthodiquement. La démarche y est viscérale et elle renforce le poids des angoisses de l’artiste. Entre un succès qui murit et les projets qui se multiplient, une fin de cycle marquée par un déménagement, les différentes réactions de son entourage, ADVM n’a pas vraiment le choix : aucun tri à faire, il suffit d’aller tout droit et de suivre son approche instinctive de la musique qui a édifié ce succès précoce (récemment auréolé d’une Boule Noire).

Avec, en ligne de mire, le bien-être et une belle carrière.

@raw.kidz

Fougueux, sensible et harmonieux : un EP à plusieurs mains

Si ADVM tient une si bonne recette et offre différentes facettes malgré un court format qui limite la richesse du texte et des mélodies, le travail délivré par les producteurs apparaissant sur « .DEMAIN C’EST MIEUX. » y est pour beaucoup.
Les 8 titres qui jalonnent l’EP bénéficient de la fraîcheur et de la complexité apportées par de nombreux hommes de l’ombre, qu’il s’agisse de producteurs en plein bourre (Sobek, Seak), de jeunes pousses (Allx, Brundours, La Blonde, Sombrelune) ou de Le N, inséparable du rappeur. Tous offrent un écrin d’une grande précision, très bien rythmé, qui nous montre un ADVM capable de sembler à deux doigts de l’agonie puis au paroxysme de sa confiance en quelques mesures.

 » …l’artiste en joue particulièrement pour sophistiquer ses placements et jongler entre les émotions. »

« Minimaliste mais touchant, .AUTARCIE. offre un beau temps calme à l’EP »

Variations

Ces variations, l’artiste en joue particulièrement pour sophistiquer ses placements et jongler entre les émotions ; une démarche qui va jusqu’à être partagée très judicieusement avec la voix envoutante de Surprise sur « .AUTARCIE. ». Sincère et meurtri, ce titre atypique frôle le passe-passe par instants et joue sur des aveux susurrés pour amplifier les émotions qui torturent les deux artistes – difficile par ailleurs de ne pas penser à « Kitoko » de Furlax quand on se laisse happer par cette complémentarité des voix.

Dans l’ensemble, on remarque qu’ADVM fait majoritairement passer l’émotion par la voix en plus du texte : assuré dans les moments d’egotrip, son timbre laisse souvent place à une voix plus pitchée et déformée lorsque l’artiste ouvre son cœur à l’auditeur.

« La maturité c’est un pas un âge non plus, c’est d’l’expérience » – .A BOUT DE SOUFFLE. »

ADVM sait où il va et ne fait aucun compromis, qu’il s’agisse de sonorités ou de sujets abordés. C’est en creusant au plus profond de ses regrets et de ses doutes qu’il crédibilise l’egotrip dont il fait preuve par fulgurances. L’exercice n’a rien de rare et fait tout le sel du rap, mais il ne peut s’apprécier pleinement s’il paraît générique ; en assumant ses faiblesses, ADVM offre le relief nécessaire à sa personnalité, et il peut naviguer sans encombre entre les deux extrêmes de sa musique que sont la tristesse et l’arrogance.

Avec quelques projets à son actif, cet artiste pourtant jeune consolide très sérieusement les bases de sa carrière en faisant preuve de maturité sur une séduisante palette de sujets et en s’autorisant beaucoup de détours créatifs sans le moindre arrière-goût d’amateurisme. Il démontre une lucidité frappante qui lui permet autant de prendre du recul que de se projeter.

L’audace paye, et ADVM passe un beau cap avec ce court projet aux sonorités éclectiques mais aux échos pourtant si personnels.

@gabin_pires & @elliot.ars

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